Quand les fantômes prennent la parole pour résoudre le mystère de leur mort

Dans Psychic Detective Yakumo (traduit de Shinrei Tantei Yakumo), Manabu Kaminaga nous conte l'histoire d'Haruka et Yakumo. Si la jeune fille est une étudiante « comme les autres », il n'en va pas de même pour Yakumo qui peut voir les fantômes.


En quelques pages, nous passons de la naissance de notre héro à l'installation de l'intrigue, tous deux se déroulant dans une ambiance sombre et inquiétante qui ne manquera pas de plaire aux amateurs de frissons. Ensuite, on rencontre enfin Haruka qui fait elle-même la connaissance de Yakumo. Dès les premiers échanges, on perçoit le caractère revêche et distant du jeune homme et on s'allie facilement à Haruka dans l'envie de le remettre à sa place. On se retrouve rapidement embarqué dans face au mystère à résoudre : une des étudiantes ayant fait un test de courage dans un vieux bâtiment de l'université est maintenant dans le coma. Yakumo accepte de l'aider, révèle vite sa capacité surnaturelle et il nous dévoile le lourd secret que d’Haruka. Si elle pouvait nous paraitre naïve et gentillette, cette révélation change déjà notre manière de la percevoir.


Ils font également appel à une connaissance du jeune homme : un policier bourru, également victime des remarques de Yakumo. L'homme attire la sympathie bien que parfois l'exaspération : il incarne en effet le personnage qui pose toutes les questions pour comprendre les éléments de l’enquêtes. Si ce rôle peut s’avéré important pour ceux qui n’ont pas de grandes connaissances dans le domaine, la manière dont c’est amené est parfois lourde, voire presque bête. Il faut pourtant s’y faire car c’est une pratique quasiment coutumière dans la littérature japonaise (tous genres et supports confondus) et Psychic Detective Yakumo ne fait pas exception.


L'auteur joue avec adresse sur le suspens dans les changements de scènes, les rebondissements sont bien dosés avec les explications et chaque protagoniste a un but précis dans l’enquête. Un petit détail vient parfois perturber le lecteur quant à l'énonciation des gens. Comme dans la plupart des policiers, il y a un certains nombre de personnages dont il faut se souvenir et ce roman ne fait pas exception. Défi supplémentaire : les noms sont bien entendu japonais et qu'au Japon on appelle plus souvent les personnes par leur nom de famille que par leur prénom. Il faut donc impérativement se souvenir du nom complet de chaque personnage si on veut s'y retrouver en plus de la complexité de l'enquête.


A mesure que l'intrigue avance, on sent un certain attachement se créer entre Haruka et Yakumo. Si le résumé laissait déjà transparaitre qu'une relation pourrait s'établir, il ne faut pas se leurrer : on est loin d'y arriver dès le premier tome ! L'auteur reste fidèle à la psychologie des personnages qu'il a créés, on voit bien qu'il les maitrise à la perfection même s’il faudra attendre les tomes suivants pour en apprendre un peu plus. Toutefois, la confiance s'installe et on se réjouit du moindre passage entre les deux protagonistes. La scène où Haruka découvre l'œil rouge de Yakumo est cruciale et attendrissante. Cependant rien ne vire au dégoulinant qui pourrait déplaire à un certains nombre de lecteurs. Kaminaga amène donc son enquête avec brio jusqu'à la fin (sauf peut-être pour les grands esprits assidus de romans policier). A l'image des Sherlock Holmes, toutes les explications et les détails cruciaux à la résolution sont données à la fin sans la moindre incohérence.


L'écriture simple et directe est typique des auteurs de « light novel » japonaises, qui ne se perdent pas dans les fioritures descriptives contrairement aux auteurs français, voire américains. Ce premier volume regroupant trois courtes enquêtes avait à la base été autoédité par Kaminaga avant d’attirer l’attention d’un éditeur de part son succès. Il avait alors trente ans et travaillait dans le domaine du cinéma. Retravaillé puis publié officiellement en octobre 2004, le tome unique est devenu une série comptant jusqu’à présent 9 volumes, 4 romans reprenant des enquêtes annexes, et un tome d’une série « spin-off ». Mais, comme bien souvent au Japon, quand ça marche, on ne s’arrête pas là ! Shinrei Tantei Yakumo a ainsi été adapté en série animée, en « drama », en 2 séries mangas et tout récemment au théâtre. Mais Kaminaga ne reste pas cantonné sur ses acquis et multiplie les séries et scénarios de mangas, mélangeant toujours les genres fantastiques et policiers.


Mais gare aux amateurs car pour pouvoir découvrir ce roman, il faut savoir lire le japonais pour la version original ou l’anglais via une traduction amatrice disponible sur le web. Et oui, cet engouement n’atteint malheureusement pas l’Europe puisque seule une version manga est disponible en français (Editions Panini Manga depuis 2012).

LaureBrogniez
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le 4 avr. 2016

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Laure Brogniez

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