Aïe

Dommage ! Et oui, vraiment dommage.

Attiré par la quatrième de couverture accrocheuse ainsi que l’esthétisme sobre et élégant du bouquin, je l’achète sans même réfléchir. On me promet un récit de guerrier écologique qui se soulève contre le grand patronat et les mensonges d’état, avec comme mission ultime la prise de conscience généralisée de l’humanité autour des problèmes de la planète bleue, pas mal !
On suit donc les aventures d’Abel, un américain d’origine mexicaine, issu d’un accouplement entre James Bond et Nicolas Hulot. Aussi appelé le « jaguar noir », il est à la fois hacker de génie, chef d’entreprise prospère, leader d’une association écologique clandestine et chaman féru de musique techno… bref, l’homme que la Terre attendait !

Pour les bons côtés, il y a l’engagement écologique bien entendu. Le monde dépeint par l’auteur est tout simplement le notre, l’action prend place au début du XXIème siècle. Il nous fait donc prendre conscience que se battre pour la sauvegarde de la planète est un combat qu’il faut mener dès maintenant, que les changements et les engagements doivent être pris immédiatement. Quelques bonnes idées et une intrigue planétaire alléchante, cosmologique même, car sur fond d’exploration lunaire. L’urgence est présente, la cause est noble et universelle, voilà à peu près tout pour les bons points.

Pour le reste…

Jean-Pierre Goux, mathématicien et ingénieur, nous livre un roman d’une platitude effrayante. Une oeuvre à mi chemin entre la SF et le thriller, mais en oubliant les meilleurs côtés de ces deux genres.
On ne s’attache pour ainsi dire à aucun personnage, cinq cents pages de dialogues sans intérêt, de descriptions fades et un certain pédantisme lourd qui cherche à justifier chaque action ou choix narratif. On avance donc mal à l’aise dans ce récit décousu. Ecrire un pamphlet ou un essai sur la sauvegarde de la planète et les valeurs écologiques aurait été plus simple que de se lancer dans un roman aux ambitions narratives aussi grandes. Même l’histoire de fond au goût d’espionnage et de complots n’arrive pas à faire décoller cet ouvrage poussif à tout point de vue.

On subit la lecture comme une leçon guindée de géopolitique, d’économie et d’écologie. Les passages d’érudition mal placés et mal amenés finissent réellement par fatiguer et donnent la triste impression d’avoir Wikipedia sous le nez. Les bribes de documentations animalières ou astronomiques sont disséminées tout du long comme autant de fiches de révision pour parfait petit écolo qui veut briller en société.

Et que dire d’Abel, qui découvre les solutions à ses problèmes à travers un trip sous ayahuesca, durant lequel les esprits de son père et d’une jeune fille indienne censée personnaliser la Terre vont venir l’inspirer dans sa mission quasi divine. Le pseudo mysticisme qui entoure le « jaguar noir » durant tout le récit sonne faux et ne donne pas plus de profondeur à un personnage principal bien trop creux. Tout comme les autres protagonistes secondaires, sans réelles âmes malgré le nombre incalculable de leurs qualités, de leurs engagements et de leurs savoirs. N’oublions pas également les descriptions stéréotypées et les personnages caricaturaux qui apparaissent çà et là au fil du récit… Rien n’est naturel et tout se perd en justifications malvenues.

Un récit empesé et factice donc, bien dommage quand on s’attaque à des combats et des valeurs aussi belles et importantes. Pour ne pas perdre foi en la littérature il vaut mieux voir ce livre comme un roman de vulgarisation scientifique et d’initiation à la pensée écologique plutôt que comme un thriller SF haletant.