À force d'en suivre les tribulations, un lecteur aura consciemment (ou non) intégré les rouages de la machinerie employée par Richard Stark à chaque mésaventure de Parker. L'écrivain compte justement là-dessus. Accueillir son invité avec le sourire, lui faire traverser les lieux qu'il s'imagine connaître par cœur, jusqu'à ce qu'il repère de tout petits changements (tapisserie différentes, meubles changés de place), et subitement il comprend que ce n'est plus vraiment la même demeure.


De ce point de vue, Slayground (titré Planque à Luna Park en France) choisit le deuxième modèle de récit. Le braquage est bouclé dès le départ, les conséquences seront le moteur de l'intrigue. Cette fois, le forfait a tourné court après un accident de voiture. Ses deux partenaires bien amochés, la police en route, un parc d'attraction comme seul abri temporaire ; Parker n'y réfléchit pas à deux fois. La situation va encore se compliquer quand le brigand se fait repérer par d'autres types peu recommandables visiblement très intéressés par le sac plein de billets qu'il trimballe. Une partie de cache-cache mortel s'engage dans ce lieu de festivités.


De prime abord, l'idée farfelue de coincer un criminel dans un endroit pareil conviendrait plus à un Dortmunder, "cousin" très éloigné de Parker et autre personnage culte de Donald Westlake/Richard Stark. En bref, à quelque chose de plus léger, de plus comique. Justement, le défi est là : transformer ce lieu d'amusement en un one-shot de suspense et de cruauté relevé par une pointe d'humour noir. Il est effectivement amusant de découvrir les pièges et stratagèmes imaginés par le gibier pour retourner la situation en sa faveur. C'est notamment vrai lors du passage chez les Flibustiers au dans le Musée de cire, pesants comme pas permis.


On suit un Parker en infériorité numérique et affaibli, ce qui renforce l'identification alors que son comportement reste des plus froids et que certains poursuivants sont presque attachants (Dunstan, Benniggio). Appelez-ça la magie Stark. Elle fonctionne très bien pour caractériser, c'est un peu moins vrai pour certaines étapes de l'histoire.La gestion du temps par exemple, très étrange. L'attente de plusieurs heures avant de débusquer la proie, incompréhensible (volonté de dilater pour arriver à 200 pages ?).


Le livre s'achève mais on se doute bien qu'il n'était que le premier round d'un match en deux parties. Signé Parker servira de conclusion à l'arc entamé ici, et à ce premier cycle (1962/1974).

ConFuCkamuS
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le 21 mai 2022

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