"Et si on ne dit rien, c'est parce qu'on ne sait rien dire, on ne sait pas parler de ça, la mort."

Et pourtant, Monsieur Besson, vous y parvenez fort bien.

Deux frères de retour dans la maison familiale, dans la maison des vacances, pour leurs dernières vacances. Il y a Thomas. Thomas amoureux de la vie, Thomas si jeune, Thomas qui va mourir. Et il y a son frère. Le narrateur. Et rien que dans ce titre il y a beaucoup. Son frère. La réponse à cette question sans cesse répétée dès que l'on veut voir un malade, dès que l'on souhaite une information. "Vous êtes qui ?" - son frère.

Il y a l'évocation de cette préparation au deuil, de ces moments où l'on se souvient de tout ce qui a été vécu, à défaut d'entrevoir de nouvelles choses à vivre ensemble, de ces moments où l'on s'attend au pire sans parvenir à s'y préparer, on ne se prépare jamais à ça. Il y a cet amour inconditionnel, cette confiance, cette connaissance mutuelle de deux frères qui suivent ensemble la même route, même si l'un des deux s'arrêtera de la fouler avant l'autre.

Il y a le corps médical. Les savants. Les gens à qui l'on remet son existence parce qu'il faut bien s'en remettre à ceux qui savent. Ceux qui ont toute l'autorité de ne pas admettre qu'ils ne savent pas, parfois. Ceux qui nous accrochent à la vie coûte que coûte parce qu'ils sont là pour ça alors que l'on se demande parfois s'ils ont bien raison.

Il y a le témoignage d'un corps qui se dégrade, il y a l'injustice. Il y a la volonté aussi. L'affirmation que l'on a toujours le choix. Parfois limité mais il nous reste le choix de ce que nous voulons faire du temps qu'il nous reste - Oh mon dieu, Tolkien sors de ce corps !

Il y a ce vieil homme qui apporte la magie du roman, ce vieil homme qui nous embarque, cette rencontre improbable qui apporte une autre dimension à ce récit. "Cela fait partie de la magie de cette rencontre. Ne rien dire. Seulement l'écouter. Préserver le mystère. Le secret, puisqu'il y en a un. Accepter de se laisser surprendre, de se laisser conduire. Et ne pas se laisser polluer par les détails, par les choses d'usage. Etre dans l'émerveillement de ça, de lui"

Et c'est exactement ce qui se passe avec ce roman. Un chant d'adieu qui nous porte dans l'instant présent, sans s'inquiéter de ce que l'on ne sait pas, sans s'alourdir de questions. Alors quand les réponses que l'on n'a même pas demandées arrivent, c'est encore plus beau.
Nomenale
8
Écrit par

Créée

le 8 mai 2013

Critique lue 917 fois

14 j'aime

12 commentaires

Nomenale

Écrit par

Critique lue 917 fois

14
12

D'autres avis sur Son frère

Son frère
Lubrice
8

Critique de Son frère par Brice B

J'avais découvert Philippe Besson dans les lectures de je ne sais plus quel pédébloggeur. Ca n'a que peut d'importance, j'ai été tenté par les critiques unanimes sur ses ouvrages, assez pour me...

le 27 sept. 2010

4 j'aime

Son frère
Sorel
8

Frat-éternel

Thomas se meurt. Son frère Lucas, le narrateur, se tient à ses côtés au cours des derniers mois de sa maladie du sang. D'abord à l'hôpital puis dans la maison familiale de l'île de Ré, Thomas ne...

le 11 mars 2017

Du même critique

Only God Forgives
Nomenale
6

De deux choses l'une

- soit j'ai rien compris, soit il y a des risques de spoil - soit l'esthétisme est impeccable et sans aucun raté, soit il est rouge. Très rouge. Trop rouge; - soit le scénario est d'une complexité...

le 26 mai 2013

73 j'aime

26

Downton Abbey
Nomenale
8

Dear Lady Sybil,

Comme j'ai aimé être une petite souris et me glisser dans cet immense demeure que vous partagez seulement avec quatre autres membres de votre famille. Comme j'ai aimé voir la vie des domestiques qui...

le 21 juin 2013

70 j'aime

23

Six pieds sous terre
Nomenale
9

"I wish that just once people wouldn't act like the clichés that they are"

La mort, je la côtoie tous les jours. J’ai grandi dedans. Et pourtant, celle-ci fait mal. La mort ne fait pas mal, d’habitude. La mort ce sont ces corps dans la salle en bas. Ce sont ces familles...

le 6 août 2013

62 j'aime

23