Je fais ici la critique du petit volume des Éditions Sillage qui réunit deux essais dont les thèses ne sont pas spécialement élaborées, traduits par Brice Germain, et d’autant plus faciles à lire qu’ils sont courts.
Le dialogue « Sur le théâtre de marionnettes » présente pourtant un demi-paradoxe : il y aurait chez les marionnettes – il ne s’agit pas des marionnettes à main, mais des pantins « à fils » – davantage de grâce que chez l’homme, car davantage de naturel : « elle [la grâce] apparaît de la manière la plus pure dans la constitution d’une silhouette humaine dont la conscience est inexistante ou bien infinie, c’est-à-dire dans le pantin articulé ou le dieu » (p. 23). Les deux extrêmes se rejoignent, donc, et le drame de l’homme est de flotter entre les deux. Je laisse au lecteur le soin de découvrir la métaphore de l’ours escrimeur qui constitue une partie de l’argumentation…
Le titre de « Sur l’élaboration progressive des idées par la parole » est explicite : Kleist y affirme que « dans leur succession, idées et formulations se développent de concert » (p. 33-34), au moins dans le cas du poète, qui doit s’exprimer sans attendre, dès qu’il en a l’occasion, car « C’est une toute [sic] autre affaire lorsque l’esprit est déjà arrivé au bout de sa pensée avant qu’un discours soit entamé. […] Ainsi, quand une idée est exprimée de façon incohérente, on ne doit pas en conclure pour autant qu’elle a également été pensée de façon incohérente, au contraire, il se pourrait même aisément que celles qui sont exprimées de la plus incohérente des façons soient justement celles qui ont été pensées de la manière la plus limpide » (p. 34). Le lecteur scrupuleux se sera peut-être dit que la langue allemande, dont la structure – les verbes à la fin de leur proposition subordonnée, les particules verbales – fait souvent dépendre le sens d’une phrase de ses derniers mots, se trouve au cœur de l’essai.
On se retrouve donc avec deux textes au romantisme certes un peu convenu – l’art par-dessus tout, la figure de l’artiste possédé –, mais dans lesquels le double éloge du langage et de l’artifice préfigure quelquefois, dans l’esprit, un Baudelaire ou un Wilde.

Alcofribas
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le 11 sept. 2017

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