The Street
The Street

livre de Ann Petry (1946)

Ann PETRY, un nom oublié. Pourtant son premier roman, "The Street" publié en 1946 est immédiatement un best-seller! Traduit en français, dès 1948, "La rue" met les points sur les i pour faire connaître au monde la réalité, en 1940, d'une 116e rue de Harlem! Le roman met aussi un poing sur la gueule de tous ceux qui usent, abusent du nègre sous prétexte qu'en fait, il n'existe même pas. "Vous ne pouvez absolument pas voir à quoi ressemble un nègre. Vous ne le pouvez pas : un nègre n'est jamais un être humain. C'est une menace ; un animal, une malédiction, un déshonneur ou une plaisanterie »


On peut donc le battre, le dresser, le rouler, en abuser, vouloir y échapper ou le nier et se laver les mains de son existence. Si le nègre ne sert pas à en rire et être moqué, à quoi peut-il donc bien servir? ... Dans ce roman violent, courageusement réédité par les Ed.: Belfond dans sa collection vintage noir, pas la moindre lueur d'espoir pour le lecteur qui se prend à aimer Ludie Johnson, cette mère célibataire, mais sait, sent dès l'entame du livre qu'il n'y aura aucune issue favorable. Quand tout est noir, le rêve n'est pas permis! Or, ici, dans "La rue", tout est noir, vraiment noir! Ludie Johnson, son fils Bud, les habitants du quartier, tous se battent entre détritus et perversions. Mais peut-on échapper à Jones, cet ogre concierge, obsédé par son désir inassouvi de posséder Ludie, prêt pour cela à manipuler Bud, (8 ans!). Prêt, sans remord, à le piéger, le tuer s'il le faut pour qu'enfin elle soit à lui! Cette obsession de possession du mâle sur la négresse trouvant, à ses yeux, sa pleine justification puisque, tout le monde le sait, "les négresses ne demandent que ça!" Peut-on échapper à pareille déviance?


En 1940, Harlem est une horreur, Ann PETRY nous la livre de butte en blanc, sans rêveries permettant de croire à un monde meilleur. En ce mois de mai 2017, les éditions BELFOND nous le livre à leur tour. La situation a-t-elle vraiment changé? Le racisme larvé a-t-il seulement modifié son regard sur le Noir, l'Autre, Le Pauvre, L'Etranger? La provocation de cette réédition est dure, violente, triste, choquante, noire... mais n'est-elle pas légitime, salutaire? Il est temps de refuser de laisser nos cœurs se noircir par la soif de possession et la négation de toute humanité. Il est temps de reconnaître la violence faite par l'Homme aux hommes et rendre à l'humanité la dignité qui lui revient?

Créée

le 22 mai 2017

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