Cette publication inclassable destinée à attirer l’attention des tintinophiles m’a laissé perplexe, à tel point que j’ai eu du mal à aller au bout d’une lecture que j’avais imaginée plus captivante.


Effectivement, tout au long des 24 albums (en comptant Tintin au pays des soviets ainsi que Tintin et l’alph art) de ses aventures, Tintin est confronté à un nombre important de manifestations de forces qu’on peut qualifier d’obscures.


« La superstition frappe les esprits les plus faibles. Ou, plus exactement, elle s’adresse à la partie la plus faible de notre esprit, celle qui prend le dessus en face de l’inexplicable. » Jacques Langlois (Chapitre 8)


Si le lecteur a droit à une présentation soignée (papier glacé et belles illustrations), le souci vient à mon avis de la ligne éditoriale adoptée qui manque cruellement d’unité, au regard de la première impression agréable. L’ouvrage est découpé en 11 chapitres, chacun d’eux lui-même divisé en deux parties. A chaque fois, un spécialiste de Tintin fait le tour d’un aspect en illustrant son article d’exemples tirés des aventures du reporter. Rien à dire sur ces articles qui sont de qualité correcte. Les détails évoqués sont justes, la ligne est claire si vous voyez ce que je veux dire. Et quand on connaît bien son sujet, on peut même se permettre un peu de finesse :


« Dans L’oreille cassée, les conjurés du San Theodoros veulent renverser la tyrannie par le terrorisme, sur le modèle des rébellions d’Amérique centrale, mais ils portent le loup et la cape noire de Zorro et se couvrent de larges chapeaux mexicains… des sombreros pour de sombres héros… » Hervé Gattegno (Chapitre 9)


Là où je n’ai vraiment pas adhéré, c’est sur chaque deuxième partie de chapitre, faisant le tour de la question d’un point de vue scientifique ou journalistique. J’y ai trouvé des argumentations du niveau de la vulgarisation, parfois même assez orientées dans un sens (selon les convictions du rédacteur). Dans chaque cas, une personne (soit 11 au total) s’exprime selon son opinion. Des auteurs à première vue crédibles (voir leurs présentations en début d’ouvrage). Très bien mais, que penser d’une personne qui fait un article de 5-6 pages sur le spiritisme ? De deux choses l’une, soit vous considérez que le spiritisme est quelque chose de concret, soit vous le considérez comme du charlatanisme. Comment se faire une idée en quelques paragraphes ? Exemple frappant, les soucoupes volantes. Oui, je le reconnais, comme beaucoup à l’adolescence, je me suis renseigné sur la question en lisant quelques bouquins. Et, comme beaucoup, j’ai fini par admettre que je ne saurai jamais à quoi m’en tenir exactement. Alors, même si l’article laisse entendre que beaucoup de témoignages ont pu être orientés ou influencés par un état d’esprit général, il est impossible d’arriver à une conclusion catégorique.


Ma vraie déception vient d’un ensemble. Les points traités le sont assez rapidement. Avec un tel titre, le tintinophile était en droit d’attendre quelque chose de plus fouillé. Les chapitres abordés sont de moins en moins pertinents au fil de l’ouvrage. La deuxième partie du chapitre intitulé « Le spirituel » est déjà limite hors sujet. Le chapitre concernant « La folie » évoque justement certains albums de la série Tintin. Par contre, sa deuxième partie illustre le manque de coordination entre les auteurs puisqu’elle n’évoque jamais les aventures du reporter. Enfin, on atteint un sommet de mauvais goût dans le chapitre intitulé « Les sectes » (le 8ème) où la rédaction (deuxième partie du chapitre) s’est crue avisée d’évoquer l’affaire de l’ordre du temple solaire, le seul rapport étant l’album « Le temple du soleil ». Au cours de ses aventures, Tintin est effectivement confronté à quelques organisations secrètes, mais celles-ci n’ont pas de rapport avec les sectes, ce sont des organisations crapuleuses. Certes, l’article laisse entendre combien les agissements des gourous de sectes sont dangereux et peuvent convaincre beaucoup de monde (quelle que soit la classe sociale, l’âge, le sexe, etc.) mais évoquer les remous de cette affaire plonge dans un nauséabond que j’ai trouvé déplacé. Comment le lecteur peu au fait de l’ensemble des circonstances peut-il se faire une idée des personnes citées ?


Ce que j’attendais vraiment dans ce bouquin c’est l’ultime partie qui est présentée en guise de conclusion. Elle justifie la lecture de l’ensemble, puisqu’elle fait le lien entre la vie d’Hergé, ses relations avec les forces obscures citées précédemment, pour mettre en lumière certains épisodes mémorables des albums de la série. Si cette conclusion est un peu courte à mon goût (6 pages dont une occupée par un portrait du dessinateur), elle apporte un certain nombre d’éclaircissements intéressants concernant les motivations du dessinateur, son inspiration et ses méthodes de travail.

Electron
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le 11 mai 2014

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