Partant de l’affaire du pain maudit de Pont St Esprit, «Tous les diamants du ciel» développe les volutes de son intrigue stupéfiante autour de trois protagonistes, Antoine l’apprenti boulanger mystique et immédiatement accro à la miche psychotrope, Lucy Diamond (not her real name), junkie américaine devenue tenancière du premier sex-shop parisien dans les années soixante, et Wren Kroy, agent manipulateur de la CIA, marionnettiste aux finalités obscures.

Point de départ - Pont St Esprit 1951, redescente au même endroit en 1970, c’est un trip littéraire flamboyant, une grande traversée des années cinquante à soixante-dix, la déconstruction d’un monde vu par le prisme du déferlement des psychotropes, de la libération sexuelle, de la décolonisation, de la guerre froide et de la conquête de la lune.

Ici, c’est l’écriture qui enfle et dore comme le pain de Pont St-Esprit, qui prend une ampleur démesurée, à l’instar des esprits dilatés des Spiripontains, une écriture qui peut tous les rapprochements et toutes les distorsions, transportant notre esprit et nos sens dans un état d’allégresse hallucinée de la première à la dernière ligne.


« Des dizaines de Spiripontains sortent ainsi d’eux-mêmes, arpentant la nuit pour tâter sa pulpe saugrenue. Et dans la nuit, tous découvrent des trous, par où s’absenter, sans rien déchirer. Ils trahissent le temps, escroquent l’espace. Ne dorment plus, s’esclaffent à toute heure, pédalent yeux fermés sur la place de la mairie, acclamés par leurs propres mains, abusés par leur cycle, ou bien restent prostrés sous leur lit, dans la poussière et l’effroi. »

« Les lumières du bar, sentant la menace grandir, se retirent dans une ombre qui enfle de partout telle une marée prise dans une crique, et la volonté de Lucy, inutile et vertigineuse, choit dans la poche de l’homme. Oui, son corps soudain minuscule verse dans la doublure de soie, et elle se retrouve prisonnière d’un espace à la fois solide et gluant, clair et feuilleté, où enfin ne plus parler ni esquiver ni se mouvoir, où rejoindre la solitude des foules, la tentation animale, quand tout ce qui vous agrège au décor n’est plus qu’indifférence. »


Tous les diamants du ciel fait partie de ces livres rares qui donnent l’impression que l’écriture est portée par quelque chose de plus haut, c’est sans doute cela qu’on appelle la grâce. On en ressort étourdi, enivré, défait comme après le passage d’un tourbillon éblouissant.
MarianneL
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le 13 oct. 2012

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