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Imaginez une femme. On ne connaît ni son nom, ni son âge ; seulement son ambition de devenir écrivain et son incapacité à s'imposer un rythme de travail. Après une rupture sentimentale, cette femme va, sur recommandation de son ex-compagnon, se présenter à « la Tour de Verre » pour y obtenir un emploi.
 
À l'issu d'un entretien pour le moins informel avec le directeur de cette entreprise, Emilio Rios, elle est engagée comme réceptionniste dans cet immense immeuble de bureaux, tout en modernité. De son rez-de-chaussée sans prétention, elle entame son observation des relations entre les protagonistes, employés ou membres de leurs familles. Elle se lie d'amitié avec le chauffeur du couple Rios. Alors qu'elle lui confie son ambition d'évoluer dans l'entreprise, elle se retrouve propulser, du jour au lendemain au secrétariat du vice-président Sebastian Tiernas. Elle y découvre alors la dureté de cette entreprise qui laisse un homme qu'elle juge intelligent et d'une grande bienveillance sans travail ni responsabilité.
 
Cette rencontre révèle l'importance pour ces deux personnages de maintenir l'illusion de la réalité de leur emploi. Leur acharnement à paraître occupés met en lumière le lien étroit qui existe entre l'idée qu'on se fait d'une personne et l'importance de son travail. Face à un Sebastian Tiernas rempli de qualités et pourtant méprisé du fait de son désœuvrement, on ressent l'urgence de se rappeler que l'emploi ne définit pas la personne.
 
Découpé en chapitres portant chacun sur la rencontre/la relation entre la narratrice et l'un des employés, ce roman nous promène entre les bureaux et nous fait découvrir les petites luttes qui s'y jouent au quotidien. Chaque personnage apporte un éclairage sur la situation étonnante du vice-président Tiernas et à travers ce mystère, sur le fonctionnement profond de cette (de notre ?) société.
 
La narration à la première personne nous montre l'entreprise par les yeux et l'analyse de ce personnage sans nom. Pour autant, difficile de parler d'introspection tant cette narratrice parait désincarner. Son anonymat nous fait l'effet d'un jeu vidéo en vue subjective où le lecteur peut se substituer au narrateur. Les événements et relations entre les personnages sont jetés dans un style un peu brut, sans décryptage, de manière un peu inconséquente. On comprend assez peu où tout cela va nous mener.
 
L'écriture n'a rien d'exceptionnel. Pour autant, on lit avec une grande fluidité l'ascension des jeunes loups dans un monde qui échappe de plus en plus à l'ancienne garde. Se joue sous nos yeux la mutation du travail, l’accélération de son rythme et son caractère impitoyable à l'égard de ceux qui n'évolueraient pas assez vite.
 
L'étrange recul de la narratrice, caractérisé par l'absence d'introspection émotionnelle ou de jugement moral, donne une grande sensation de futilités à tous les petits drames qui se jouent. Et il y a là quelque chose de très réaliste, car finalement, quelle importance peuvent avoir les « histoires de boulot » pour ceux qui sont extérieurs à l'entreprise ? Ainsi, le roman donne forme à l'idée de l'entreprise comme microcosme fermé que seuls les membres peuvent comprendre. D'ailleurs, la narratrice considère dès le début du roman La Tour de Verre comme un lieu à part, presque sacré.
 
Finalement, ce n'est qu'une fois le livre refermé qu'on prend conscience tant de son universalité que de la profondeur des thèmes qu'il aborde. Je regrette toutefois que les réflexions ne soient pas plus poussées, plus creusées. On garde un sentiment de pauvreté, un arrière-goût de trop peu. Peut-être une mise en bouche, avant un roman plus profond.

Felin-Sceptique
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le 14 mars 2018

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Felin-Sceptique

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