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De l’âge de 10 ans à celui de 40 ans, j’ai été infesté, envoûté, comme ensorcelé par une étrange passion, celle de la guerre. J’ai joué à la guerre seul ou avec des camarades, à l’aide de bâtons, d’armes en plastique, de figurines, de maquettes ou de jeux vidéo. J’ai traqué la guerre dans mes cours d’histoire, les musées ou les salles de cinéma. Adolescent, j’ai dressé mon camp dans la bibliothèque municipale. À raison de deux ou trois livres par semaine, j’ai lu systématiquement tous ce qui la concernait, des conflits de la Révolution à la guerre d’Indochine. Durant plus de 30 ans, chaque nuit, j’ai rêvé de bataille. J’ai été grognard sous Napoléon, pilote de chasse ou sous-marinier dans l’Atlantique. J’ai été à Waterloo, j’ai brûlé Moscou, j’ai survécu à la Bérézina. J’ai combattu aux côtés de Georges Guynemer et Pierre Clostermann. Accroché au périscope mon U-Boot, j’ai harcelé les convois alliés.


Pourquoi ? Je n’ai pas connu la guerre, pas plus que mon père. Seul l’un de mes arrière-grand-pères a été tué en 1916. Mort trop lointaine pour m’avoir affecté. J’ai fait mon devoir militaire en temps de paix ; mon unique souvenir marquant remonte à une fameuse marche de nuit. À deux reprises, j’ai eu à approcher d’un pays en guerre. La première fois, en 1992, à l’occasion d’un court séjour en Bosnie Herzégovine, je n’ai vu que les stigmates des affrontements, multiples destructions, convois funéraires, peuple en armes, j’ai été terrorisé. La seconde fois, en 1996, j’ai assisté à une tentative de coup d’État en Guinée. Inconscient et attiré par le bruit des rafales, je suis sorti en ville pour approcher du brasier. J’étais fou.


Je dois à Sven Lindqvist ma libération. Il m’a suffi de lire un paragraphe, lentement, mais à plusieurs reprises, pour que le charme s’évanouisse. J’étais libéré.
Le voilà : « “Maintenant tu es mort“, on disait. Maintenant tu es mort. On joue toujours à la guerre. On jouait à plusieurs. À deux, tout seul, chacun dans son rêve. C’était toujours la guerre, toujours la mort.
“Ne jouez pas à ça, disaient les parents sinon vous allez devenir comme ça.“ Vous parlez d’une menace ! On rêve justement de devenir comme ça. Et pas besoin de jouets guerriers. N’importe quel bâton faisait office d’arme, et les pommes de pin, de bombes. Aussi loin que je remonte dans mon enfance, je ne me rappelle pas avoir fait pipi une seul fois, parterre ou dans les cabinets du jardin, son objectif à bombarder. À cinq ans, j’étais un bombardier chevronné. »


PS D’une langue admirablement caustique et en détaillant les faits, l’auteur décrit dans ce court essai les pathétiques efforts des aviations anglaise et américaine de la Seconde guerre mondiale. Les états-majors souhaitaient vérifier la validité des théories de Giulo Douhet et Billy Mitchel, trancher une vieille controverse : peut-on, oui ou non, vaincre uniquement par des bombardements aériens ? En s’affranchissant des conventions internationales, en mentant à leurs opinions publiques, les généraux sir Arthur Travers Harris et Curtis LeMay brûlèrent vifs pas moins de 500 000 Allemands et autant ; les statistiques sont moins précises ; de Japonais, essentiellement des civils, pour conclure à un échec. C’est ballot, d’autant plus que 100 000 de leurs aviateurs y perdirent la vie. Ils sauvèrent in extremis la face, car, si l’explosif et le napalm échouèrent, l’atome parvint à anéantir l’adversaire.

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le 21 mai 2018

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Step de Boisse

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