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Comme son sous-titre l’indique, cette Histoire du diable court du XIIe au XXe siècles. Comme l’auteur le précise vite, elle « se limite à l’Occident » (p. 12 de l’édition de poche), dans un cadre marqué par le christianisme – c’est-à-dire aussi que les rapports entre le diable et ce cadre, plus ou moins étroits, constituent l’armature d’une bonne partie du propos. Ce n’est pas une histoire imaginaire, mais une histoire qui envisage l’imaginaire comme un « phénomène culturel bien réel produit par les multiples canaux culturels irriguant une société » (p. 10) : autant dire que l’ouvrage est sérieux, et que le lecteur féru d’ésotérisme ou de satanisme peut passer son chemin.
Je ne reviendrai pas ici en détails sur les différentes analyses proposées dans ces quatre cents pages écrites petit : qu’il suffise de savoir que « tracée à grands traits, l’histoire du diable en Occident est celle d’un élargissement progressif de son impact sur la société, accompagné d’une mutation de grande ampleur de ses caractéristiques supposées » (p. 22). Certaines – sur lesquelles un non-historien de métier peut, me semble-t-il, se prononcer avec pertinence – me paraissent à la fois recevables et particulièrement fécondes, par exemple l’idée que « dans les pays de tradition protestante, dont procèdent les États-Unis, on craint plus le démon caché à l’intérieur du corps pécheur que dans les nations latines » (p. 250, cf. Alien) ou les parallèles entre une laïcisation du mal et cette fin du XIXe siècle où « si l’influence religieuse s’est affaiblie, une pression sociale et culturelle intense l’a souvent remplacée » (p. 269, cf. Dr. Jekyll et Mr. Hyde).
Il me semble cependant que deux points ternissent ce livre stimulant. Le premier, c’est le style : un style d’historien, tel que les étudiants en littérature s’imaginent que les étudiants en histoire écrivent. Rien de délibérément obscur, ni de confus ; seulement, c’est très laid, et il arrive que le sens des mots soit malmené : que fait le verbe procéder dans la deuxième citation du paragraphe ci-dessus ? Quant aux tentatives de faire du style, elles font souvent long feu : comment un « couloir » (p. 75) peut-il constituer « l’épicentre » de quelque chose ? Ce n’est pas hideux, ni pénible à lire, mais enfin sur ce point non plus ça n’est pas du Michelet…
Le second, c’est le caractère disparate des différentes parties. L’approche est tantôt culturelle au sens strict, tantôt sociale, tantôt socio-culturelle, et parfois pas très éloignée d’une histoire événementielle. Tantôt on exploite assez minutieusement les minutes d’un procès en sorcellerie, tantôt on livre au lecteur des titres d’œuvres sur plusieurs pages, sans autre explication qu’un résumé qu’on pourrait trouver ailleurs. C’est dans les dernières parties de l’ouvrage, lorsqu’on aborde aussi les arts visuels, que cela devient manifeste : n’aurait-il pas mieux valu se contenter de ne suivre que deux ou trois fils (le cinéma fantastique et le diable, l’image et le diable, la contre-culture et le diable…), mais sans les lâcher ?
Mais j’aimerais que les qualités que j’attribue à Une histoire du diable dans cette critique incitent les lecteurs de celle-ci à lire celle-là, et que les défauts, somme toute bénins, les poussent simplement à la lire en connaissance de cause.

Alcofribas
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le 9 nov. 2019

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Alcofribas

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