Quand la raison d'État passe au privé ...

Pas souvent fan de John Le Carré (on le dit à chaque fois !), voilà qu’on a bien aimé cet épisode qui pourtant avait tout pour déraper sur une pente dangereuse.
Le Carré entendait en effet explorer deux thèmes très à la mode : celui des lanceurs d’alerte, façon Snowden ou Wikileaks et celui des officines privées qui jouent les mercenaires pour les états devenus frileux, façon Blackwater ou Halliburton.
Autant dire qu’on pouvait craindre racolage et effets de mode, bref le pire.
Mais non, avec Une vérité si délicate, John Le Carré signe certainement l’un de ses meilleurs romans, même si on ne prétend pas être expert en bibliographie Carré.
Le Carré ne cède donc pas à la facilité médiatique que l’on craignait et reste fidèle à sa méthode : pas d’héroïques journalistes mais des hommes presque ordinaires embarqués dans une histoire d’espionnage qui va les dépasser.
Ça commence par une opération musclée sur le rocher de Gibraltar. C’est palpitant et on ne se croirait pas dans une chose écrite mais devant un écran de cinéma où tout se passe partout en même temps.
Bien entendu l’opération Wildlife va lamentablement foirer. Kolossale erreur, grosse bavure. Les mercenaires privés sont aux commandes et n’ont pas les mêmes scrupules que leurs collègues d’État.
On (re-)découvre au passage ce monde du renseignement, devenu un marché privé où certaines sociétés n’hésitent pas à s’emparer (parfois de manière musclée) des informations (ou des informateurs) disponibles pour en tirer profit ensuite. Avec la lutte anti-terroriste c’est devenu un marché très lucratif où (on l’a vu en Irak) l’offre crée parfois la demande.
Quelques années après le cafouillage de Gibraltar, certains protagonistes ont bien du mal à se remettre de leurs émotions tandis que le reste de l’appareil s’est efforcé de colmater les brèches et d’étouffer soigneusement toute l’affaire.
Car bien sûr, la raison d’État commande de ne pas divulguer ce qui s’est passé et surtout pourquoi ça s’est mal passé :
La mécanique Le Carré est en marche, toujours aussi bien huilée en dépit de l’âge : des personnages fouillés et nombreux, des dialogues passionnants et tracés au cordeau, …
Quelques passages un peu longuets aussi, on a l’habitude.
Et au final un récit passionnant malgré une toute dernière fin un peu rocambolesque : faut bien finir cette histoire - la vraie Histoire, elle continue sans cesse.
BMR
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le 6 juil. 2014

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BMR

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