Adolphe
7.3
Adolphe

livre de Benjamin Constant (1816)

Adolphe, pilier du romantisme. Une écriture d'une concision incroyable, un roman semblable à un long résumé.

Adolphe, héros torturé. Soit. Adolphe confronté à un amour difficile. Soit. Mais là où l'oeuvre est originale, c'est dans son traitement de l'amour. Adolphe est atteint de désamour, ou plutôt, il cesse de désirer une fois qu'il possède pleinement Ellénore, incarnation parfaite de l'Idéal, de ce fragment du Paradis Perdu chanté par bon nombre de romantiques. Ellénore est d'abord inaccessible, c'est ainsi que Adolphe parvient à la désirer et à projeter sur elle tout ce qu'il désire. Puis, c'est uniquement lorsqu'elle est accessible et qu'elle apparaît telle qu'elle est, qu'Adolphe n'en veut plus. Et lorsque le père d'Adolphe désire le séparer de cette femme encombrante, c'est là qu'il retrouve des restes de sentiments, preuve qu'il cherche bien cet inaccessible. Elle passe du statut d'Idéal à celui de "femme naturelle" (celle qu'aime à évoquer Baudelaire).

On comprend donc bien qu'ici il est question de passion dans ce qu'elle a de destructrice, en ce qu'elle ne peut aboutir à quelque chose de durable parce qu'elle y est à l'exact opposé. Adolphe doit rompre, et c'est là que ça se complique. Adolphe justifie plus ou moins efficacement sa lâcheté par des motifs divers et variés. Il se fait passer pour généreux en imaginant se sacrifier pour Ellénore alors qu'il prend la fuite comme un couard. Non pas que l'acte de rupture soit facile en soi, mais Adolphe a la fâcheuse manie de flatter son ego en essayant de se convaincre de sa générosité, alors qu'il prolonge un supplice pour la seule raison qu'il n'ose pas assumer sa décision. Il souhaite rester cet homme généreux et bon aux yeux d'Ellénore. Adolphe croit préserver Ellénore, alors qu'il est un sournois dissimulateur.

Ce pitoyable Adolphe sera incapable de se séparer d'Ellénore, et c'est un ami de son père qui annoncera à celle-ci la décision de son amant. Elle finira par mourir de chagrin (le coup de la mort par le chagrin cher à bon nombre d'oeuvres littéraires, de cette femme qui s'évanouit sans arrêt et perd la tête, m'a toujours semblé mystérieux).

En bref, un personnage principal irresponsable que j'ai détesté à cause de sa lâcheté hors-normes. Alors que Werther va au bout de son cheminement (voire même un peu trop), Adolphe reste dans une vilaine hésitation, dans une passivité déplorable. Cependant j'ai trouvé l'analyse des sentiments percutante, j'ai été happé par le livre, j'ai compris Adolphe sans y adhérer, et j'ai souffert pour Ellénore. Et pour ça, un 8 est bien mérité ! Preuve qu'on peut aimer un livre tout en détestant son personnage principal.
King-Jo
8
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le 1 janv. 2013

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