Remis de sa dépression, Hoke vit une vie bien réglée dans un lotissement où il partage une maison avec ses deux filles adolescentes, son ancienne coéquipière cubaine Ellita et le bébé de cette dernière, Pepe. Il continue par ailleurs à travailler sur des affaires de meurtres non résolues, mais sa petite vie réglée commence à lui échapper. D’abord parce que le manque d’effectifs pousse sa hiérarchie à le remettre sur des affaires courantes, ensuite parce que le nouveau chef a décidé de mettre à l’amende les officiers de police qui fument dans les locaux et les véhicules du département, enfin parce que Donald Hutton, que Hoke avait arrêté et qui avait été condamné à vingt-cinq ans de prison en jurant de se venger, vient de comme par hasard de s’installer dans la maison située juste en face de celle de la famille Moseley.
Là où les romans précédents faisaient généralement évoluer en parallèle Hoke Moseley et les criminels qui allaient finir par croiser sa route, Ainsi va la mort est exclusivement centré sur le policier. On voit Moseley tour à tour affairé à essayer de comprendre en quoi une télécommande de porte de garage a pu jouer un rôle dans le meurtre d’un chirurgien, s’agacer de l’incompétence de son jeune coéquipier, s’énerver de la présence de Hutton en face de chez lui et embringué dans une mission d’infiltration dans les Everglades qui semble moins tenir de l’enquête que du bizutage. Ce faisant, Willeford offre l’occasion d’entrer un peu plus encore dans la psyché de son héros partagé entre nonchalance et fausse résignation mais qui semble toujours près d’exploser. C’est d’ailleurs cette tension du personnage-même qui importe ici, plus que tout autre élément. On attend moins la résolution des intrigues qui se mettent en place dans le premier tiers du roman que le moment où Hoke Moseley va agir de manière radicale et envoyer valser tout ce qui pèse sur ses épaules.
Et c’est finalement la description minutieuse mais aussi constamment teintée d’une ironie un peu acerbe des états d’âmes de Moseley, le regard fataliste de ce dernier sur le monde dans lequel il vit et dans lequel, d’une certaine manière, il se sent étranger, qui fait tout l’intérêt de ce roman noir existentialiste d’une lenteur salutaire que viennent opportunément briser quelques explosions propres ou figurées ou quelques sentences définitives.
Certainement interrompue par la mort de Willeford, la série mettant en scène Hoke Moseley trouve pourtant ici un épilogue idéal, qui laisse des portes ouvertes mais en ferme aussi un certain nombre et, surtout, laisse en suspens la mélancolie résignée de son héros.

EncoreDuNoirYan
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le 13 févr. 2017

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