A la faveur d'une enquête des plus fouillées, Cédric Gras a écrit une biographie passionnante des frères Abalakov, Vitali et Evgueni, alpinistes soviétiques nés en 1906 et 1907.
Nul besoin d'être féru d'escalade pour éprouver un vif intérêt pour les exploits des deux frères, la description minutieuse qui en est faite grâce aux traces écrites qu'eux et leurs compagnons de cordée ont laissées séduira certainement les moins bien disposés à l'égard des "conquérants de l'inutile".
Pas si inutile que ça, l'alpinisme aux yeux de Staline et des siens pour qui "il s'agissait de faire reculer toute superstition liée aux cimes, de démystifier ces cathédrales de roche et de glace entourées de croyances. L'enjeu de l'ascension du pic Staline, c'était de remplacer Dieu par le marxisme, sur l'autel de la Terre."
Le "petit père des peuples" ne sera guère reconnaissant envers Vitali qui croupira longtemps en prison à la suite de fausses accusations extorquées sous la torture alors qu'Evgueni échappera mystérieusement aux purges de la fin des années 30. Les purges staliniennes longuement évoquées par Cédric Gras n'épargnent donc pas les rangs des alpinistes : "Les plus fidèles compagnons sont devenus de féroces délateurs. La cordée se défait sous la torture." , Les archives du KGB en témoignent.
Les zones d'ombre que ses recherches n'ont pas permis de dissiper, Cédric Gras les reconnaît volontiers, lui qui s'exprime à la première personne pour émettre des hypothèses quand les documents consultés sont trop elliptiques.