American Psycho par XXIII
American Psycho est comme on dit le livre d'un génération (perdue ?), comme l'ont été avant lui les Lolita (Nabokov) ou Gravity's Rainbow (Pynchon). Il est celui de la fin des années 80, des Reaganomics, de la déliquescence de la finance et de sa déconnexion profonde avec la planète qui l'entoure. Toute cette "bulle" formée autour des Traders est transposée ici avec une foideur et une objectivité méticuleuses. Cela construit le personnage de Patrick Bateman comme le produit clinique de la société et du métier qu'il est sensé exercer.
La "unreliable narration" de Bateman est bel et bien le tour de force du roman : on y devine ses blocages mentaux et ses humeurs, ou plutôt l'absence d'émotions humaines qui le caractérise. On y voit ses obssessions des costumes de grands tailleurs, des grands vins, sans jamais disposer d'autre chose que des noms de marques ou de créateurs, ce qui rend à mon goût la lecture parfois longue. C'est évidemment le choix de l'auteur, et il est justifié, mais sur 500 pages, il aurait pu varier. Les scènes de sexe sont dans la lignée du reste : purement physiologiques et apathiques. Les scènes de torture nous glacent, car conduites dans cette veine "clinique" ; on sent la lame d'acier chirurgical (le crayon d'Ellis ou le hachoir ?) parcourir les corps.
Un grand livre en définitive, qui nous fait rire (nous, monstres !) tout autant que j'avais ri à la lecture de Lolita. Quand les psychopathes écrivent eux-mêmes leurs pensées et aventures pour nous séduire, ah quel plaisir !
Lu en V.O.