On aurait bien tort de se priver de la lecture de cette nouvelle tant elle est rapide à lire et riche en images et en belles phrases.


Théophile Gautier a un style fluide qui, hormis quelques mots "techniques" très précis qu'on a depuis oubliés, coule comme un petit ruisseau de montagne, de manière si fraîche et délicate qu'on a envie de revenir s'y abreuver régulièrement... D'ailleurs, quand on s'apprête à lire du Théophile Gautier, il vaut mieux s'installer confortablement parce qu'il y a de grandes chances pour qu'on en oublie jusqu'à notre propre existence tant on est happés par la force et la beauté de ses descriptions et immergés dans le récit.


Cette nouvelle se passe à Pompéi et, sans y être jamais allée, j'ai eu l'impression de me balader avec les personnages parmi les ruines et de pouvoir admirer les vestiges de la ville, d'une manière peut-être encore plus fascinante que si j'y étais, puisque c'est Théophile Gautier qui était mon guide.


Quel meilleur cadre que cette cité ensevelie pendant des siècles pour situer cette histoire fantastique, je ne dirais pas d'amour, mais plutôt de séduction à travers le temps ?


Étymologiquement, "séduire" veut dire "détourner du droit chemin", et c'est peut-être cela qui arrive dans cette nouvelle. Arria Marcella, ensevelie sous les cendres des siècles auparavant, s'amuse à attirer, dans tous les sens du terme, physiquement, géographiquement et temporellement, un jeune homme en visite dans les ruines de sa cité. En rejetant la nouvelle religion qui s'oppose aux anciens dieux, celle-ci rejette également la notion de péché, de désir contrarié qui vient avec le Christianisme, et joue avec cet interdit. En ce sens, le personnage d'Arria Marcella est fascinant : elle suscite délibérément l'admiration d'Octavien et éveille en lui une tentation dont elle sait qu'elle ne sera pas facile à oublier, juste pour se distraire dans sa longue éternité de mortelle disparue de la surface de la Terre mais pas de l'univers.


Pour cette idée de l'après-vie, je vous laisse avec une citation de Théophile Gautier ; il le dit beaucoup mieux que ce que je pourrais le résumer :



"En effet, rien ne meurt, tout existe toujours ; nulle force ne peut anéantir ce qui fut une fois. Toute action, toute parole, toute forme, toute pensée tombée dans l'océan universel des choses y produit des cercles qui vont s'élargissant jusqu'aux confins de l'éternité. La figuration matérielle ne disparaît que pour les regards vulgaires, et les spectres qui s'en détachent peuplent l'infini."



Et si cette citation ne suffit pas à vous donner envie de vous jeter sur ce récit fantastique merveilleux, je ne peux qu'insister en vous disant que cette nouvelle mérite amplement la petite heure que vous lui consacrerez !

Avalon
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le 24 mai 2018

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Avalon

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