La génération perdue selon Fitzgerald

Que dire ? Ce fut une histoire d’amour littéraire comme il en arrive peu, ce genre de moment où les mots de l’auteur trouvent tellement d’écho en nous que l’on se dit qu’on aurait pu les écrire (avec un moindre talent). Ah ! J’ai aimé détester cet Anthony Patch et me dire que ç’aurait pu être moi en pire comme il fut un avatar désenchanté de l’écrivain.

Les Heureux et les damnés s’articule autour des soirées qui constituent la raison d’être de la société aristocratique américaine des années 20 et plus particulièrement du couple Patch puisque Anthony et Gloria sont des êtres sans passions. Faire la fête est un signe de prodigalité, et les lieux que l’on fréquente déterminent la classe à laquelle on appartient. Lorsque Anthony et Gloria n’ont plus les moyens d’accéder aux clubs mondains, les invitations se raréfient, les amis se retrouvent réduit à une douzaine (ridicule lorsqu’on voit qu’un train complet a été réservé pour leur mariage) puis, finalement, Anthony ne peut s’appuyer que sur ses relations de comptoir du Sammy’s. Nous les voyons ainsi passer d’un milieu à l’autre à mesure qu’ils sombrent dans la pauvreté.
Si l’héritage d’Adam Patch leur permet de retrouver amitiés et vie d’avant, la conclusion est tragique dans le sens où les personnages n’ont rien appris, se donnent raison alors que tout dans le roman nous montre la décadence de cette vie mondaine fin XIXe et la nécessité de trouver d’autres moteurs pour vivre. La fête n’est plus la finalité de la nouvelle élite sociale, qui se réalise d’abord et avant tout dans le travail. S’opère alors un retour en arrière, une régression dans un roman qui s’est articulé sur une pente descendante sans jamais donner de leçon aux personnages. Anthony et Gloria appartiennent au passé. Le monde dans lequel ils sont finalement réintégrés grâce à leur argent n’est plus le leur. Ils n’ont pas su évoluer et sont condamnés à rester dans une sorte de passé figé dans le présent tandis qu’autour d’eux, tous les anciens oisifs s’accomplissent. Les valeurs ont changé. La naissance et la bonne éducation ne suffisent plus à donner à l’élite sa respectabilité. Retour poignant avec Fitzgerald sur toute une génération perdue.
Barbelo
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le 12 déc. 2012

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