Le narrateur de ce black bazar est un congolais du petit Congo vivant à Paris depuis une quinzaine d’années. Un homme dépensant des sommes importantes en fringues. Un dandy élégant, aux costumes impeccables et voyants. Le lecteur ne connaitra jamais son nom. Car son nom n’est pas celui mentionné sur ses papiers. Des papiers qu’il a acheté une fortune en Angola avant de fausser compagnie au bataillon militaire auquel il appartenait.
Sa femme vient de le quitter pour suivre un autre homme. Non contente de lui avoir volé sa vie, elle a également emporté leur petite fille et est retournée au pays. Notre homme tourne en rond. Envoie des mandats au Congo pour que sa progéniture ne manque de rien. Boit une quantité importante de Pelforth au bistro avec les copains. S’engueule avec son voisin irascible et raciste. Et tape ses déboires sur une vieille machine à écrire.
Car notre narrateur ne s’apitoie pas sur lui-même. Cette épreuve l’a conduit vers sa réelle vocation : écrire. Le lecteur voit l’auteur se construire au fil des pages. L’homme devenir artiste. Sa prose est colorée. Il décrit le Paris des immigrés, la petite échoppe de l’arabe du coin, les marchés proches de Barbès, le quartier de Château-Rouge, le métro de Château-d’eau. Le bureau de la Western Union à Clignancourt. La Gare du Nord. Une langue truculente pour brosser des personnages que Daniel Pennac n’aurait pas désavoués.
Un livre un peu fourre-tout dans lequel l’écrivain en herbe jette sa vie mutilée de congolais déraciné, d’homme trompé, de père abandonné. Il passe fréquemment du coq à l’âne et de l’âne au coq. Un livre métissé, pluriethnique, dans lequel les fesses rebondies des femmes sont mises à l’honneur. Un livre pittoresque et épicé d’un écrivain de talent. Une belle écriture, alerte, incisive. Gaie et optimiste. L’écriture d’un homme allant de l’avant et ne se laissant pas abattre. Le livre d’un homme qui ne baisse pas les bras et qui, tel un chat, retombe sur ses pieds après avoir basculé cul par-dessus tête.
Sympathique.