Caïn
7.4
Caïn

livre de José Saramago (2009)

Ou la réécriture d'une partie de la Genèse par José Saramago.
Le livre s'ouvre sur la création d'Adam puis de Eve par Dieu (le tout sans aucune majuscule, comme à l'accoutumé chez Saramago). Très vite, nos deux tourtereaux s'ennuient à mourir et finissent par croquer le fruit défendu. Courroux du tôlier qui vire les contrevenants manu militari. Jusque là, rien de très original si ce n'est le ton foncièrement irrévérencieux de l'auteur. On est en terrain connu. Là où cela se corse (comme dirait Napoléon), c'est la réaction de l'auteur qui n'hésite pas à prendre le lecteur à témoin pour demander des comptes au Seigneur. Et quoi Seigneur ! Si tu tenais à protéger absolument ce fruit, ne pouvais tu pas ériger une solide barrière de barbelés autour de l'arbre ? N'es tu pas finalement le seul responsable de ce regrettable épisode ? Le ton est donné et l'on suivra tout au long de ce livre sacrilège les pérégrinations de Caïn, rejeton du couple fautif qui tua son frère Abel et que Dieu condamna à l'errance. On croisera Lilith, Abraham, Isaac, Loth, Job, Noé... On assistera à la destruction de Sodome et Gomorrhe et au Déluge et écoutera les récriminations de Caïn reprochant sans cesse à Dieu sa profonde inhumanité, sa cruauté envers les hommes et des massacres perpétrés en son nom.
Un livre qui ne peut laisser indifférent, que l'on soit croyant ou non. Les lecteurs de grande foi religieuse, cette lecture sera sans doute difficile. Car Saramago invective Dieu. L'insulte purement et simplement à plusieurs reprises. Ce livre, destiné à choquer, atteint son but sans difficulté. Les athées jubileront de l'insolence de l'auteur, de la manière dont s'amusent les petites gens, sûres de leur impunité, face au spectacle d'un des leurs (plus courageux que les autres) demandant des comptes à l'autorité supérieure. On salive abondamment en comptant les points, guettant une réaction du Seigneur qui ne saurait tarder.
J'ai souri, j'ai ri. Souvent. Un texte délectable d'un Saramago particulièrement en verve. Ses anachronismes sont très savoureux : Caïn qui se paume dans le désert en regrettant de ne pas avoir son guide Michelin sous la main est irrésistible. Mais un texte que j'ai parfois trouvé dérangeant, Saramago poussant le bouchon particulièrement loin. L'homme n'y va pas avec le dos de la cuiller. Il me paraît évident que dans ce dernier livre écrit avant sa mort, l'auteur règle ses comptes avec l'Eglise et les monceaux de critiques qu'il reçut à l'occasion de la sortie de son livre iconoclaste « L'Evangile selon Jésus Christ » vingt ans auparavant. Une référence y est d'ailleurs faite en début de livre grâce à laquelle Saramago regrette avec une profonde ironie la légèreté avec laquelle il écrivit son précédent roman.
BibliOrnitho
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le 20 juin 2012

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