Cent ans de solitude ça donne des queues de cochon

Difficile de garder un souvenir chronologique de cette lecture. Tout s'emmêle, tout se répète, c'est une impression qui reste. Celle d'une chaleur étouffante d'abord. L'odeur de la sueur, de la poussière, de la pierre chaude. Le raffut des insectes nocturnes. La moiteur des sexes et l'ivresse d'enfreindre les interdits. Les pères hallucinés qui se prennent pour des alchimistes et qui, la cervelle brûlée, finissent leurs jours attachés à un bananier jusqu'à avoir le regard vide de leur fantôme. Les chefs de guerre qui se battent pour abandonner au seuil de la victoire et rentrent penauds chez leur mère créer à l'infini des poissons d'or pour oublier. Tous les enfants, nommés Aureliano ou Arcadio, rêveur ou fonceur, pythie ou bête de somme, suivant le destin de leur nom. Un colonel en devenir tombant amoureux d'une petite fille mourant en couches. Des femmes si belles qu'elles s'envolent dans les cieux comme la Vierge ou sont élevées pour être reines et défèquent dans des pots de chambre en or. Les tantes qui touchent les neveux, les neveux qui couchent avec les tantes, les cousins avec les cousines et craignent, le ventre arrondi, que la géniture n'ait une queue de cochon.
Une maison familiale comme une cour des miracles, évoluant de havre de paix à cité noyée par les eaux diluviennes. Des chambres magiques où on est toujours lundi et toujours en mai. Où on cache une soixantaine de pots de chambres, ou encore un colonel félon recherché, ou un enfant non reconnu ou bien les prophéties d'un illuminé ayant percé le secret de la vie éternelle.
Une narration complexe multipliant les prolepses et analepses, le vraisemblable et le merveilleux.


En somme c'est la fresque d'une famille de fondateurs de sa naissance à sa mort.
Ce n'est pas sans rappeler les récits de famille que nous font nos grands-parents, déployant pour nous les paysages de leur village natal qui, selon le récit, devient proprement merveilleux ou d'un ennuyeux réalisme prolifère en détails quotidiens. Nous avons tous des souvenirs de ces villages perdus d'où nous venons et où la mémoire familiale commence comme une épopée mythique ayant ses épisodes de magie et de légendes, de drames et de secrets.

Deidarakai
9
Écrit par

Créée

le 5 juin 2020

Critique lue 82 fois

Deidarakai

Écrit par

Critique lue 82 fois

D'autres avis sur Cent ans de solitude

Cent ans de solitude
JZD
10

La Malédiction Buendia et l'avènement de la poussière.

Ce soir, V. m'a dit : "J'ai pensé à toi jeudi justement. Un mec avait piétiné et arraché des pages de Cent ans de solitude sur le parvis de la préfecture de Cergy. J'ai reconnu le perroquet sous la...

le 7 juil. 2012

65 j'aime

21

Cent ans de solitude
Babalou
10

"C'est comme si le monde faisait des tours sur lui-même"

Quel livre extraordinairement peuplé ! Outre les personnages, hauts en couleur et franchement inoubliables, on y trouve aussi leurs relations incroyables, les légendes du village, les croyances...

le 12 févr. 2011

49 j'aime

15

Cent ans de solitude
Hypérion
10

L'amérique du sud fantasmée

100 ans de Solitude, c'est avec Terra Nostra LE livre qu'il faut lire pour comprendre l'esprit de l'amérique du Sud. Un continent où fusionnent des modes de pensées incompatibles, la magie et la...

le 22 sept. 2011

38 j'aime

10

Du même critique

On ne badine pas avec l'amour
Deidarakai
9

Critique de On ne badine pas avec l'amour par Deidarakai

Tout annonce la comédie : le titre, la scène d'exposition, le projet de mariage. Et on se dirige dans l’œuvre en attendant le dénouement qu'on devine : l'heureuse union qui doit réconcilier tout le...

le 15 févr. 2019

2 j'aime

1

Comme un roman
Deidarakai
8

"La lecture ne relève pas de l'organisation du temps social, elle est, comme l'amour, une manière d'

Enseigner la littérature, drôle d'expression. Peut-on vraiment enseigner la littérature comme on enseigne une autre matière ? La littérature n'est-elle pas un choix de manière d'être, comme dit...

le 5 juin 2020

1 j'aime

Oncle Vania
Deidarakai
8

Diadia Vania

La vodka coule à flots ce soir-là chez les Serebriakov et brûle les plaies qui ne cicatrisent pas. Tous s'ennuient, comme souvent dans les fictions russes. Que faire de ce temps qui nous est donné ...

le 5 juin 2020

1 j'aime