Suite aujourd'hui de la prétendue saga sulfureuse, celle-dont-on-ne-doit-pas-prononcer le nom sous peine de se noyer dans les élans bartholiniens de femmes soudainement fontaines, car oui, on dirait bien qu'en 2014 le point G est le point Grey! Phénomène culturelle, bassement populaire, ayant ramené d'après certains sites un nombre plutôt conséquent de trentenaires, quarantenaires et quinquagénaires aux joies de la lecture, et mon Dieu, ayant ravivé la flamme sexuelle chez un certain nombre! Je ne sais pas si ce sont des racontars de quartier, glissés dans les coins sombres de SensCritique; ce que je sais, en revanche, c'est que la littérature érotique n'a jamais été autant mise sur le devant de la scène.
Ne jouons plus sur les mots: érotique, la trilogie des Cinquante Nuances ne l'est que partiellement. Force est de constater que les scènes basculent assez majoritairement dans la pornographie la plus banale, sans pour autant emprunter les codes désastreux que les films X ont instaurés. Cela reste assez relax, et je trouve bien plus relax que dans le premier tome, qui avait le mérite d'intriguer par le côté sado-maso. Ici, on aura bien du mal à être intrigué, puisque Christian et Ana vont plutôt bien et peuvent donc s'adonner à leur occupation, favorite: baiser comme des lapins. Je ne vais pas réécrire à l'exactitude ma critique du premier tome, et pourtant, cela mettrait en évidence le défaut majoritaire du bouquin: c'est le premier tome en un peu arrangé. Bon, je force un peu: certaines choses sont différentes (et plutôt positivement), mais j'y reviendrai plus tard. Je vais commencer par citer les points mauvais, très mauvais de ce second roman qui sont tristement semblables à ceux que j'avais relevés au préalable.
En premier, je vais vous parler de l'ennui. Car ce livre se lit très bien au sens où ce n'est pas la réflexion qui va vous gêner ou une inexactitude sur le personnage qui vous tracassera. C'est bateau, ça se lit tout seul, même si l'écriture est médiocre. Mais parfois, le sexe est tellement précédé et suivi du sexe, que le sexe, eh bien vous en avez marre, car le sexe ne parvient pas par son seul intérêt excitateur à tenir un bouquin, même si ce dernier est consacré au sexe. Alors c'est long, très long (comme le membre de CG) et tellement répétitif! On sourit quelques fois, lorsqu'une situation particulière se démarque des autres scènes par son originalités. Alors on aura rarement vu un lecteur aussi peu excité par des scènes qui le lasse avant même de les commencer. Sans déconner, James, il faut que tu arrêtes. Fais des bouquins moins long, mais je t'en supplie, mets moins de cul. C'est longuet et on sent que c'est pour combler les trous béants de l'histoire (qui est quant à elle inexistante, il faut le dire). J'ai d'ailleurs sélectionner un passage du livre ne traitant pas de sexe, mais illustrant bien la tension dramatique qui règne au fil des pages et qui maintient le lecteur dans une euphorie difficile à cacher:

"Devant les ascenseurs, il appuie sur le bouton "appel". Je lève rapidement les yeux vers lui: il arbore un demi-sourire énigmatique. Quand les portes s'ouvrent, il me lâche la main pour me laisser entrer dans la cabine".

Je ne m'en cache pas, à la lecture de ce petit paragraphe, j'avais les nerfs à vif. Mais mon dieu, va-t-il lui lâcher la main pour la laisser sortir de la cabine une fois sur le toit??? Et surtout, à quoi ressemble le demi sourire énigmatique? Est-ce ce genre d'émoticone :-S ou bien L-: . Le dernier représente bien le demi-sourire énigmatique, je crois.
L'écriture de James est donc encore une catastrophe. On parle dans certaines critiques de "tics d'écriture", ce que je trouve assez poétique pour résumer un manque d'imagination agressif envers le lecteur. On se dit au début du bouquin: "Putain, c'est cool, Ana se mord la lèvre sup. 10 fois moins souvent!". Effectivement. Mais en échange, Christian dit 10 fois plus "As-tu conscience que tu es très sexy, là, tout de suite?". A se pendre. Le ton est laborieux et peine à accrocher le lecteur, qui finit sa lecture par pure curiosité envers les personnages.
Car ce n'est pas non plus l'histoire qui va passionner le lecteur lambda. Il ne se passe à vrai dire rien, du moins en songeant à la longueur du livre (plus de 700 pages). Il y a bien une petite intrigue, qui dure sur tout au plus une moitié du roman, mais elle si faible et si mal amenée que le lecteur en aura souvent les larmes aux yeux (de rire, de douleur, de détresse: au choix). C'est prévisible 400 pages à l'avance, bref, un calvaire à suivre... Pourquoi lire ce bouquin, alors? Tout simplement parce que je fais partie de cette catégorie de lecteurs névrosés qui ne peuvent décemment pas stopper la lecture d'un livre (ou d'une saga) commencé. C'est triste, mais c'est comme ça. Et puis tout n'est pas infernal dans ce bouquin, la preuve en quelques points.
Premièrement, les personnages sont bien mieux maitrisés que dans le premier tome. Qu'on soit clair, Christian, Ana, Mia, José et autres top-models sont des personnages en carton: caricaturaux, sans surprise, frôlant en permanence le burlesque. Seul Taylor est peut-être réussi. Bref. Je peux cependant rajouter qu'il y a des efforts faits ici, des efforts qui expliquent en partie pourquoi on est curieux de connaître la fin de cette histoire. Grey est une fois sur deux à côté de la plaque (surtout quand il sort des punchlines du genre "Ana, tu ne peux pas comprendre la perversité de mon âme sombre" ou "Mon âme est déclinée en 50 nuances de folie"... Comment Ana résiste-t-elle à l'envie de le tazzer?), mais commence à être attachant, de temps en temps. Son passé et ses incidences sur le présent sont plutôt bien réussis, puisqu'il y a quand même du pathétique (au sens littéral du mot, rien de péjoratif) dans cette histoire, ce qui peut quand même réveiller l'humain dans le lecteur frustré et assomé par les cunnilingus ou encore les plugs anaux. Je ne veux pas retomber dans la critique râleuse, mais je trouve quand même sacrément détestable que le sado-masochisme soit relié chez Christian Grey a une histoire traumatisante, discréditant cette branche du sexe qui, lorsqu'elle est consentie et maîtrisée, n'est pas malsaine en soi. De même, le terreau fertile qu'est le passé de Christian (qui avouons-le aurait pu être exploité de manière fine et judicieuse) se retrouve dégueulassé par un raccourci grossier (le coup des soumises qui ressemblent à la mère) qui est à l'opposé de la subtilité qu'on aurait pu attendre.
Le deuxième point positif dans ce livre, et cette fois-ci je le souligne, c'est un petit nombre de scènes plutôt réussies, voire clairement réussies. J'entends par là la scène où Christian fait face à Leila: on tombe dans un style lorgnant vers le fantastique, le macabre qui est je trouve assez efficace. J'ai beaucoup apprécié cette scène. Celle d'après aussi d'ailleurs. On pense bien évidemment au côté "vampirique" de Christian (tout le monde connait l'histoire de la fanfic), qui est ici très bien rendu. De même, j'ai trouvé la soirée d'enchères assez agréable à lire. Ce ne sont que de petits passages, mais bon, c'est mieux que rien (et rien, c'est le premier tome).
Enfin, le dernier point concerne l'effort de l'auteur quant aux nuances de son récit. On s'écarte enfin du "tout blanc tout noir", du moins un peu, et cela fait plaisir. En plus, Ana est décidément une nympho bien salace, et son image de vierge naïve ne trompe plus personne.

En conclusion, "50 Nuances plus Sombres" brille par sa ressemblance au premier tome, ce qui se surprend personne (on ne change pas une équipe qui gagne). Mais c'est quand même mieux, dépassant légèrement le navet intersidéral pour s'élever au rang de "Mauvais livre, mais bon, ça passe". Il faudra cependant du courage à l'amateur de bonne lecture pour finir ce deuxième tome. Mais sans faire le vieux grincheux, quand je vois que les meilleures ventes de librairie sont composées de bouquins de Marc Lévy et Guillaume Musso, je me dis que James a un bel avenir devant elle.
Wazlib
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le 16 sept. 2014

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