L'existence d'H. Quiroga a été marquée par de nombreuses morts autour de lui notamment ses proches (suicides, accident) et ses traumatismes se retrouvent à toutes les lignes de ce recueil de nouvelles, où l'écriture sans concession, souligne toute "la misère du monde". Une première approche quelque peu difficile avec cette nouvelle "Les bateaux suicides", teintée de fantastique pour parler de la perte.


Une présentation de Frédéric Chambert éclaire sur l'écrivain et son écriture. On apprend notamment qu'il s'est réellement exilé en forêt de San Ignacio dans la zone frontières des Misiones. Pour Quiroga, la vie dans la forêt n'est qu'un raccourci pour atteindre l'essentiel et c'est d'ailleurs dans ces lieux, cotoyant le danger, qu'il écrit la plupart de ses contes. Son style sera en décalage avec les "modes" littéraires de son époque : "j'ai lutté pour que le conte n'ait qu'une seule ligne, tracé d'une main certaine, du début jusqu'à la fin...". On trouve une exactitude des termes et un choix des mots qui renforcent la puissance de ses intrigues.


Treize nouvelles teintées de pessimisme et de réalisme pour une écriture souvent sans joie ou espérance d'aucune sorte, dure, directe voire sèche... et de bien triste constat...mais qui percute par l'originalité de ses contes. Le choc de lecture se situe aussi sur la violence et sur les chutes qui apparaîssent comme inévitables et sont d'autant plus perturbantes.
On trouve aussi les sentiments d'amour, aux tons surannés et fantasmés nous transportant à travers le passé.
Pas de paranoïa, comme Maupassant, mais une écriture qui y fera penser, emprunte de solitude et de dépression.
Et comme Isabel Allende dans son recueil de nouvelles "les contes d'Eva Luna" la mise en évidence, froide, du peu d'espoir d'une population pauvre et démunie des pays sud américains, qui a un côté plus rafraichissant qu'il est difficile de trouver chez Quiroga.
Prenant parfois des animaux comme héros "perdus", la nouvelle, "Les barbelés" permet de souffler un peu...et encore.
On suivra deux chevaux en quête de liberté, dialoguant avec une troupe de vaches pour savoir de qui les chevaux ou les vaches savent sauter les barrières en barbelés....avec "l'insolation", un groupe de chiens en prise avec la mort future de leur maître adoré....La jalousie de frères pour une soeur sera violente et permet de vérifier le style de Quiroga dans son économie des mots, dans "la poule égorgée", ou encore "Yaguaï" qui est saisissante.


"La méningite et son ombre" apporte, enfin, un optimisme bienfaisant où l'amour trouve sa place, et la conserve, et qui permet de refermer le livre, quelque peu rassérénée.


Ce livre est fort instructif par ce choix également de proposer une postface de Victor Fuenmayor qui apporte également d'autres précisions sur Quiroga et notamment sur ses références mystiques et "...permettent en particulier d'éclairer la transposition dans les récits d'une histoire personnelle ou autobiographique...".


"Un conte est un roman expurgé de tout ce qui est remplissage" Horacio Quiroga
ici il le démontre avec force.

limma
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les meilleures nouvelles de la littérature

Créée

le 3 août 2016

Critique lue 274 fois

7 j'aime

6 commentaires

limma

Écrit par

Critique lue 274 fois

7
6

D'autres avis sur Contes d'amour, de folie et de mort

Contes d'amour, de folie et de mort
limma
8

Critique de Contes d'amour, de folie et de mort par limma

L'existence d'H. Quiroga a été marquée par de nombreuses morts autour de lui notamment ses proches (suicides, accident) et ses traumatismes se retrouvent à toutes les lignes de ce recueil de...

le 3 août 2016

7 j'aime

6

Contes d'amour, de folie et de mort
Alcofribas
8

Quiroga, l'homme des bois

Trop semblable à lui pour que la postérité lui laissât autre chose qu’un second rôle, trop différent pour trouver le même public d’aficionados lettrés, Quiroga est peut-être le nouvelliste...

le 28 janv. 2015

5 j'aime

Contes d'amour, de folie et de mort
alextwist
9

Critique de Contes d'amour, de folie et de mort par alextwist

On m'avait vendu ce livre comme une sorte d'équivalent sud-américain d'Edgar Allan Poe. Je ne sais pas si je peux vous confirmer cette assertion en revanche ce recueuil de nouvelles / contes m'a...

le 25 janv. 2013

4 j'aime

1

Du même critique

Apocalypto
limma
10

Critique de Apocalypto par limma

Un grand film d'aventure plutôt qu'une étude de la civilisation Maya, Apocalypto traite de l’apocalypse, la fin du monde, celui des Mayas, en l'occurrence. Mel Gibson maîtrise sa mise en scène, le...

le 14 nov. 2016

74 j'aime

21

Captain Fantastic
limma
8

Critique de Captain Fantastic par limma

On se questionne tous sur la meilleure façon de vivre en prenant conscience des travers de la société. et de ce qu'elle a de fallacieux par une normalisation des comportements. C'est sur ce thème que...

le 17 oct. 2016

60 j'aime

10

The Green Knight
limma
8

Critique de The Green Knight par limma

The Green Knight c'est déjà pour Dev Patel l'occasion de prouver son talent pour un rôle tout en nuance à nous faire ressentir ses états d'âmes et ses doutes quant à sa destinée, ne sachant pas très...

le 22 août 2021

59 j'aime

2