Croc-Blanc
7.5
Croc-Blanc

livre de Jack London (1906)

Fait indéniable : ce gros dur de Jack est un aristocrate, un romantique et un individualiste, tout ça, refoulé. Le Talon de Fer et Le Mexicain, pour citer deux points de comparaison marxistes, sonnent souvent faux en ce qu’ils renvoient à la foule, la plèbe, un sentiment de méfiance, de mépris, de haine vérolée. Il en est de même dans Croc Blanc.
London est touché par la vision de la misère, les discours, les dialogues, le concept catholique de pauvreté. Il est par essence charitable, nous en conviendrons, par politesse. Certes.
Seulement, tout bon lecteur de London préfèrera au marxiste-utopiste le Jack de droite refoulée, individualiste, viril, chevillé à la justice naturelle, à une certaine idée de l’honneur. C’est ainsi qu’il est le plus efficace, le plus vrai.

Sur Croc Blanc et sur Jack en général, il convient de connaître le privé pour comprendre, alternativement, le conte et l'autobiographie déguisée. Jack, on le sait, était un amoureux contrarié. Croc Blanc est une suite de patauderies cruelles et violentes qui aboutiront dans le giron d’une famille aristocrate. Le loup du Wild, mâtiné de chien terminera ses jours dans cette retraite, patriarche à poils longs d’un tas de marmaille encore plus bâtardisé et métissé que lui. Jack, voulant faire plaisir à sa Jane, écrit un bouquin dans lequel il s’anthropomorphise en un chien-loup apte à ne reproduire pour partie que ses réflexes instinctifs, progressant du fait de sa remarquable intelligence. Ni tout à fait loup, ni tout à fait chien, Croc Blanc court irrémédiablement et sans trop le savoir après la paix et le repos du guerrier. Mais, comme il reste relativement un clébard, il ne peut que se fier à ses instincts animaux, ici magnifiés, rendus honorables, mystiques, perceptibles par l’Homme qui s’en émeut. Croc Blanc et London deviennent (malgré eux ?) apôtres de l’aristocratie, d’une certaine idée de la Noblesse.

Que fait Jack dans Croc Blanc, sinon expliquer à une petite meuf pleine aux as, qu’il est le seul qui lui aille ? Il le lui dit sans faille, en restant cool bébé, sinon elle lui dira "bye bye".
Eden, à contrario, mais dans la même veine individualiste, nietzschéenne, est le livre de la déception amoureuse, le livre amer d’un type qui finit par réussir, essuyant déceptions sentimentales et intellectuelles, ne se reconnaissant ni dans l’aristocratie, ni dans le prolétariat. Le repos, trouvé par Croc-Blanc dans la vie familiale, réside pour Eden dans la mort solitaire, choisie.

Sur le plan de l’écriture, c’est bien du London : moyennement stylisé, quelques envolées lyriques brillantes par instants. Un incipit sous forme de génèse, somptueux. Clairement dans la lignée du Bildungsroman, parfait pour les kids.
Latrouille
7
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le 18 sept. 2012

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le 18 sept. 2012

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