Pour défendre un modèle libéral et un régime représentatif, Benjamin Constant propose une comparaison de la liberté entre la société antique et la société moderne, soit celle du début du XIXe siècle.
Il prend pour exemple les modèles de Sparte, Athènes et Rome, les anciens donc, et y livre une description de la liberté individuelle d’antan. Constant souligne ici la distinction entre l’humain comme citoyen, qui participe à l’autorité souveraine par exemple en rédigeant des lois, et le même humain comme particulier, qui est soumis à des normes collectives, limité dans sa liberté individuelle.
Il peut s’exprimer, oui, mais au nom de la cité, et nullement en son nom à lui. C’est son expérience vis-à-vis de la cité qui est consultée et invoquée, nullement son avis en tant qu’homme individuel concerné par ses problèmes bien personnels.
Les modernes eux, ont pour priorité de permettre l’accès à la liberté individuelle, ainsi l’individu peut jouir du droit à s’exprimer en tant que particulier. Il est donc libre de clamer ses opinions politiques (droit de vote), religieuses, de circuler où bon lui semble et d’acquérir des biens privés via le droit à la propriété.
Pour Constant, toutes ces libertés des modernes réduisent l’implication du citoyen quant aux affaires publiques. Puisque chacun pense à lui, chacun se désintéresse du bien collectif. Pour alléger ce fardeau qu’est l’investissement personnel dans la collectivité, les citoyens délèguent leur souveraineté à des représentants.
Il justifie ce régime représentatif en faisant un parallèle avec la taille des Etats et l’absence de l’esclavagisme chez les modernes. Chez les Anciens, la taille plus restreinte des cités permettait un système collectif et des citoyens plus concernés et impliqués. Le fait d’avoir des esclaves pour faire tout le boulot à la maison et au jardin leur libérait également une quantité énorme de temps. Chez les Modernes, ben c’est l’inverse : les Etats sont grands donc les citoyens, beaucoup plus nombreux, ne se sentent pas impliqués dans la politique de l’Etat, et, n’ayant pas d’esclaves, ils doivent travailler eux-mêmes, donc prioriser leur travail aux dépens de leur participation à la collectivité.
Ce travail individuel, chez les Modernes, a remplacé la guerre, omniprésente chez les Anciens. Ainsi, le moderne a la possibilité de développer un commerce et de jouir de son essor, tandis que l’ancien voyait ses libertés de se développer complètement restreintes à cause de ses innombrables participations aux innombrables conflits entre les cités antiques.
Constant défend farouchement ce développement de la liberté individuelle, il plaide clairement en faveur de sociétés, qu’elles soient républicaines ou monarchiques, qui permettraient cet accès à la liberté individuelle, et l’encourageraient même, l’essence du libéralisme, en somme. Il critique également Rousseau et son idée d’intérêt général qui, selon lui, ne doit pas primer au détriments des intérêts individuels. Il estime qu’un intérêt général mênerait à une tyrannie menée par une majorité égocentrique.
Il fustige ainsi la Révolution et son application despotique du pouvoir, reprochant à Robespierre et consorts, bien que s’estimant représentants de la volonté du peuple, une application du modèle antique dans leur politique de Terreur.
Pour Constant, le rôle de l’Etat est de maintenir la possibilité pour les citoyens de grossir leurs fortunes personnelles via une application de lois libérales et un encouragement du droit à la propriété privée. En multipliant les richesses personnelles, on augmenterait la richesse collective.
Pour critiquer le libéralisme, il faut le comprendre un minimum. Et ce texte de Constant, très court, est le moyen idéal de se saisir des fondements du libéralisme moderne.
Ce serait un tort de s’en priver.