Une claque ? Peut-être pas jusque-là, mais un bol d'air frais tout de même.


Un roman qui sort un peu de la norme de son genre, tant par la forme que par le fond. En fait, un peu d'air frais dans le monde de la SF où les mêmes thèmes sont souvent recyclés. Les livres de SF sur l'Afrique et le tiers-monde ne sont pas légion, et rien qu'à ce titre cela mérite que l'on s'y intéresse.


De quoi est-il question ? Ou plutôt, de quoi n'est-il pas question ? Ici, pas de science-fiction débridée, on ne parle pas d'intelligence artificielle prenant la place des humains, pas d'intrigues de l'espace ni de rencontres avec une forme de vie venue d'ailleurs.


Ici on parle de l'Afrique telle qu'elle pourrait être dans quelques décennies : nécessités humanitaires, misère, régimes despotiques, guerres inter-ethniques et maladies à tout va. En fait, la même situation que maintenant, en pire. Comprendre le sous-entendu ("sur-entendu" ?) : ça, c'est si tout continue sur la même lancée qu'aujourd'hui.


En fait ici, la science-fiction n'est qu'un prétexte pour décrire l'Afrique telle que l'auteur l'imagine demain, ravagée par toutes sortes de maux, dont la moitié sont engendrés par ces mêmes sociétés occidentales, et dont l'autre moitié sont délibérément laissées à prolifération par les sociétés occidentales. Car Ayerdhal ne fait ici aucun mystère de ce qu'il pense de son sujet : ce livre est plus militant qu'autre chose, on sent que c'est un peu son poing brandi à la face du monde.


Et du coup la psychologie des personnages s'en ressent. Dans le camp des Occidentaux, les personnages sont à peu près inexistants, se contentant de se diviser en trois catégories : les politicards prêts à tout mais frileux dès que leur cote de popularité est menacée, les fonctionnaires qui ne veulent pas d'ennuis, et les "barbouzes" sans nom ni visage simples mercenaires à la solde du pouvoir en place. De l'autre côté, les humanitaires/terroristes (car ils sont les deux à la fois) ont des personnalités plus riches, bien qu'encore une fois assez faiblement esquissées.


Et pourtant, ça marche. On se prend assez facilement au jeu grâce à un récit en trois actes mené à un rythme bien ficelé. Le protagoniste ne reste jamais trop longtemps au même endroit (moins de cent pages par "acte") et du coup, on n'a pas le temps de se lasser. Les dialogues sont bons, les théories d'Ayerdhal sont expliquées en détails sans tomber dans l'écueil du cours théorique (Alain Damasio n'aura malheureusement pas su l'éviter avec La Zone du Dehors) et s'insèrent très bien dans l'histoire afin de ne pas en briser le rythme au mauvais moment.


Le ton est provocateur, ici on dénonce clairement la passivité de chacun, mais sans jamais se contenter d'asséner une belle morale angéliste. C'est le point fort du roman : on n'oppose pas des humanitaires naïfs à des occidentaux ignorants (au mieux) ou malveillants (au pire). Ici le parti pris est le terrorisme humanitaire : enlèvements de médecins en Europe pour les faire travailler en Afrique, pour des millions de gens qui crèvent de faim et de maladies plutôt que pour la recherche génétique. Car c'est tout le sujet du livre : la fin justifie-t-elle tous les moyens ? Tout en faisant mine de ne pas y répondre vraiment, Ayerdhal prend parti malgré tout, mais au moins il ne s'épargne aucune contradiction et sait mettre à mal les idées des deux camps.


Au final, tout ceci s'enchaîne avec suffisamment de fluidité pour que ce soit agréable à lire, le style est résolument offensif et le rythme résolument rapide : ça se lit vite mais ça se lit bien. On peut simplement regretter le scénario somme toute plutôt conspirationniste : overdose de barbouzes et d'agents secrets, ces personnages-là n'étaient peut-être pas nécessaires au développement d'un roman déjà suffisamment sous stéroïdes.

Vhailor
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le 13 juin 2013

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