Breaking Bad

Sorte de spin-off à l’excellent Born to Run (critique), Eat & Run – Manger pour gagner est un récit passionnant de Scott Jurek, champion de l’ultra-marathon. Si Walter White, personnage principal de la série Breaking Bad, est au pinacle des figures marquantes des séries américaines, Scott Jurek est son reflet de la course à pied, adepte lui des très longues distances. Le premier est un professeur de chimie d’âge moyen atteint d’un cancer qui se trimbale en slip dans un camping-car tandis que le second était un enfant chétif, peu enclin à la pratique sportive. En tournant à la méthamphétamine, Walter White deviendra un des plus grands barons de la drogue et Scott Jurek, qui produit de l’endorphine à gogo à chacune de ses foulées, deviendra un athlète d’exception notamment détenteur de trois victoires sur la Spartathlon, une course longue de 245 km en Grèce.

Dans ce très bel ouvrage à la couverture rouge caractéristique de la collection Guérin de la remarquable maison d’édition Paulsen, Eat & Run s’étale sur 320 pages dont une trentaine composée de photos. À travers ce récit, l’auteur et coureur américain revient sur les éléments et les péripéties de sa vie qui l’ont amené à devenir ce très grand athlète, iconoclaste et inclassable. Le livre est très structuré et il ne dévie pas de chemin. C’est ainsi que chaque chapitre suit la direction suivante : une course, plusieurs anecdotes qui mêlent l’enfance aux moments présents, un conseil pratique de coureur et une recette de cuisine végétarienne et sportive.

Si le voyage dans son enfance passée à chasser et à pêcher ainsi qu’à travailler à la maison pour soutenir une mère fragile est assez touchant, les récits de ses courses et de sa relation avec ses amis folkloriques sont épiques. Pourtant, malgré un début assez poussif, l’auteur excelle quand il se rapproche au plus près de son lecteur, dans ces instants où il se questionne sur la vie et qu’il est pris d’un doute permanent. Avant cela, dans ces moments de vie roboratifs, Scott Jurek n’est qu’une machine de guerre, incapable d’être défait même lorsque sa cheville ne tient qu’à un fil, même lorsque tout semble perdu d’avance. Si cet Hercule de l’ultra-marathon passe avec bravoure les douze travaux et les nombreuses embûches qui pointent sur son chemin et qu’on trépigne à le voir rallier la ligne d’arrivée en première position, Scott Jurek donne davantage de crédit à la potion magique du végétarisme plutôt qu’à une capacité mentale hors du commun. En ce sens, manquant probablement de lucidité après tant de kilomètres parcourus, le runner hors pair donne l’impression inverse de celle de son discours : ne pas tenter de juger les autres sur leur régime alimentaire. À tellement mettre le sien en avant, il en oublierait presque que c’est un coureur exceptionnel doté d’autres outils non négligeables que sont ses capacités physiques et mentales brillantes.

Eat & Run est une autobiographie passionnante, un récit d’aventure qui mêle des descriptions de paysages à couper le souffle et une aventure folle et délurée dans des courses aux conditions spartiates qui feraient pâlir Leonidas. Ce livre est également un outil très pratique composé de nombreux conseils de cuisine et sportifs. En somme, c’est un excellent complément à la lecture du souverain Born to Run.