J'ai découvert J. K. Huysmans par son roman suivant, A Rebours, œuvre majeure du symbolisme et de la décadence de la fin de siècle, puis par Là-bas, étude du satanisme médiéval. Je ne pensais pas que le troisième bouquin que je lirais de lui serait (pour le moment) mon préféré, car ce troisième roman est le dernier de sa période naturaliste, sous influence de Zola et dans la continuité des Soirées de Médan.

En Ménage est une chronique du mariage, du célibat et du concubinage. Le personnage principal, André, se découvre "cocufié" par sa femme; il s'empresse de la quitter et d'emménager seul pour retrouver sa vie de garçon, mais regrette le confort du mariage et rembauche son ancienne bonne, puis renoue avec une ancienne amante. Les femmes ne dépassent jamais leur condition de potiches qui ne sont bonnes qu'à faire à manger et repriser les chaussettes de leurs maris, mais finalement le portrait du personnage principal et de son ami peintre est loin d'être flatteur : ils sont couards, médiocres dans leur art, pantouflards au possible... Ils passent le bouquin à se plaindre de la conversation médiocre de leurs femmes, leur tyrannie ménagère, leurs attentions excessives, mais dès qu'ils se retrouvent seuls, ils sont perdus comme des petits garçons qui cherchent leur mère, sont incapables de vivre et se retrouvent à dépérir tout en romantisant leur désespoir (évidemment André est un rentier et n'a pas vraiment besoin de travailler).

Sauf que, et ce fût une grande surprise pour moi, c'est que c'est très drôle. Bon OK, du naturalisme je n'ai finalement lu qu'Au Bonheur des Dames au collège (de tous les classiques de la littérature française, je ne comprendrai jamais qu'on choisisse celui-là pour essayer de la vendre à des ados), et encore pas en entier, mais je pensais pouvoir être sûr d'une chose, à savoir que le naturalisme, c'est pas le genre littéraire de prédilection si on veut se fendre la poire. Mais les péripéties conjugales d'André et Cyprien, et surtout leurs états-d'âme et les divers moyens qu'ils emploient pour y pallier, sont désopilants, tout comme leur misogynie exagérée (évidemment Houellebecq est un fan). En plus de ça, c'est très bien écrit, avec les descriptions à tiroirs propres au naturalisme, mais pas omniprésentes, pas trop longues et rébarbatives, toujours placée au bon moment et très évocatrices, et des dialogues très vivants saupoudrés d'argot parfois étonnamment actuel. Et puis malgré le côté satirique, impossible de ne pas se retrouver par moments dans les atermoiements des personnages qui malgré tous leurs défauts restent à la merci d'émotions humaines qui nous gouvernent toujours. Contrairement à Zola qui parle de personnages et de milieux qu'il a étudiés, Huysmans donne l'impression de l'avoir vécue, cette vie de célibataire un peu minable au quotidien déprimant, ou du moins de l'avoir côtoyée de très près pendant un moment.

idlewoodarian
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le 27 avr. 2024

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