Pas de futur

Quand on commence à être familier des romans d'anticipation, on perd l'habitude d'attendre d'eux qu'ils réalisent les espoirs de leurs personnages. Jean-Marc Ligny nous dresse le portrait sans concession d'une terre défigurée par l'Anthropocène, c'est-à-dire par nous et personne d'autre. Pour rendre la description exacte, l'auteur, est cela se voit, a fait son travail de recherche pour tenter de figurer l'impact précis de nos activités sur les différents endroits du globe dans les années à venir. Et ces descriptions ne sont pas anecdotiques : elles prennent le temps de se développer sur des paragraphes entiers, ce qui n'est pas si mal, puisque Exodes est aussi un livre d'avertissement, un livre qui fait peur. Sauf que cela m'a semblé un peu gros. Peut-il encore y avoir de la vie à ce stade ? Et peut-être est-ce dans ma nature de donner trop de crédit à l'humanité, mais cette guerre du chacun contre tous n'a laissé de place à aucune entraide salutaire. Pourtant - me semble-t-il après avoir étudié un peu de psychologie des interactions - il est assez intuitif pour l'homme d'aider son prochain dans les situations de grande détresse à partir du moment où il ne met pas ses proches ou lui-même en danger. Mais passons.

Exodes est un roman choral, un roman qui suit une multitude de personnages donc. Trop, pourrait-on dire, mais les 660 pages bien remplies de ce pavé suffisent à leur donner de l'espace. Tous ne se valent pas. Il y a des destinées intéressantes et des caractères bien affirmés. Certains ne sont que des pions narratifs, des figures qui ont servi à montrer le destin de telle ou telle partie du monde et à quel point ce monde horrible s'acharne sur tout le monde. Encore une fois, il ne faut pas s'attendre d'un roman d'anticipation qu'il soit doux et complaisant, mais Exodes m'a semblé trop dans l'emphase. Surtout qu'il se répète. C'est le principal reproche que je lui adresse. Les aventures des uns sont relativement semblables aux autres et se succèdent sans réel sentiment de renouveau. Les mêmes paysages se répètent (mais c'est là un moindre reproche : après tout, il n'y a plus d'Eden, juste de la poussière et des océans morts). On stagne pendant des pages entières. A tel point que je me retrouvais à sauter des paragraphes entiers, par ennui, et c'est plutôt un mauvais signe. Des péripéties par blocs entiers auraient pu être supprimés sans que l'histoire ne s'en trouve diminuée.

Au final, trop ? Trop de choses, trop de personnages, trop de thèmes et trop de macabre ? C'est dommage, car plusieurs passages sont par ailleurs réussis. Mais ils se noient un peu dans cette surenchère et cette avalanche d'horreur comme s'il fallait en faire toujours plus pour que le message passe bien.