Fuck America
7.3
Fuck America

livre de Edgar Hilsenrath (1980)

Cet ouvrage débute par la correspondance aussi kafkaïenne qu’imaginaire entre le père du narrateur et le consul général des EU à Berlin dans les années 30...Et alors que l'on s'attend à être précipité directement au cœur de l' horreur nazie, l' auteur nous propulse illico dans le ventre miséreux de NY au sortir de la guerre où nous suivons pas à pas le quotidien de Jacob Bronski, juif immigré rescapé pour qui la survie semble passer par l’écriture d’un roman racontant son expérience.

On le voit s'atteler à la tâche avec une belle énergie,et un enthousiasme incroyable étant donné le sujet affiché mais on ne voit rien venir de l' horreur qu'il dit vouloir nous raconter. A la place nous sommes happés par le récit truculent de son combat au quotidien pour trouver du travail, avec toutes ses pérégrinations et petites combines pour y arriver.
Durant tout ce temps Hilsenrath rend sensible son plaisir d'écrire, cet exutoire vital pour son héros plongé dans un grand dénuement matériel et une grande solitude affective ( loin de sa famille qu’il semble fuir, loin de l’idée de trouver l’Amour avec une américaine, se contentant de la bouche d’une prostituée pour soulager sa queue aussi impérieuse que sa plume, ce n'est pas moi qui établit ce parallèle mais Hilsenrath lui même pour qui soulagement de l' un permet épanouissement de l' autre...)

C'est ainsi que peu à peu Hilsenrath nous dévoile son jeu à travers son double Bronski, il cherche désespérément le déclic qui lui permettrait de nous relater son expérience de la Shoah.... Mais ce n'est qu' après être passé par les tours et détours d'un imaginaire débridé, recréant l'indicible pour mieux atteindre la vérité, qu'il y parvient. De cette façon il comble ce trou béant de sa mémoire qui refusait de se libérer et plutôt que de savoir précisément ce qui lui est arrivé là bas dans l'Europe soumise à l' horreur nazie, Bronski nous dévoile ce qui l' a amené dans cette putain d'Amérique où ce qui compte c'est de trouver à bouffer, écrire dans la langue allemande, sa seule vraie patrie, pour faire revenir son âme qui l'avait déserté après la catastrophe.

Pour Hilsenrath, ce n'est pas l' écriture ou la vie mais l'écriture est la vie.
PhyleasFogg
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 20 oct. 2012

Critique lue 396 fois

10 j'aime

PhyleasFogg

Écrit par

Critique lue 396 fois

10

D'autres avis sur Fuck America

Fuck America
PhyleasFogg
7

L'écriture est la vie

Cet ouvrage débute par la correspondance aussi kafkaïenne qu’imaginaire entre le père du narrateur et le consul général des EU à Berlin dans les années 30...Et alors que l'on s'attend à être...

le 20 oct. 2012

10 j'aime

Fuck America
ChatonMarmot
7

BRONSKY BEAT (1)

Alors, Bronsky, on est venu trouver un Nouvel Espoir sur la Terre Des Opportunités ? Vous trouvez que la vie a été trop dure avec vous, qu'on ne vous a pas donné les chances que vous méritiez ? Mais...

le 1 févr. 2019

9 j'aime

10

Fuck America
Coriolano
9

Soude caustique et émotion

Jacob Bronsky, le héros de ce roman plus ou moins autobiographique, nous raconte ses déboires d'immigré juif et d'écrivain fauché dans le NY des années 50 est c'est totalement jouissif. L'écriture...

le 22 déc. 2010

5 j'aime

Du même critique

Les Enfants du paradis
PhyleasFogg
10

Sur le boulevard du crime, vous vous promenez, et tombez amoureux d'une fleur, Garance

Sur le boulevard du crime, vous vous promenez, et tombez amoureux d'une fleur, Garance. Il y a Baptiste, le mime enfant de la lune, tellement fou d' amour qu'il n'ose cueillir la fleur... Frédéric...

le 10 févr. 2013

70 j'aime

15

Chantons sous la pluie
PhyleasFogg
10

Make 'em laugh Make 'em laugh Don't you know everyone wants to laugh?

Qui peut résister à "Singing in the rain" ? Qui peut rester hermétique à ce film qui vous entraine, vous endiable, vous charme et à la fin vous terrasse de joie. Je me souviens encore de la stupeur...

le 25 juin 2013

64 j'aime

18

Timbuktu
PhyleasFogg
8

Mea culpa ou savoir accueillir un film pour ce qu'il est.

Longtemps je me suis gardé de rédiger une critique à ce film. Le parti pris du cinéaste, qui de la dérision, à la folle poésie, finissait en mélodrame, échappait en partie à mon entendement. Je l'...

le 21 févr. 2015

58 j'aime

15