Bientôt nous aurons tous à choisir entre le bien et la facilité

Harry Potter et l'Enfant Maudit est une incroyable désillusion. À l'heure où les séquels, les préquels, les reboots ou encore les spin-offs sont monnaie courantes, que ce soit en littérature ou dans le septième art, Harry Potter n'échappe pas à cette mode. Si Les Animaux Fantastiques fait office d'univers étendu, L'Enfant Maudit se rapporte plutôt à l'idée d'univers renfrogné. Cette critique contient de nombreuses révélations.


J.K. Rowling a littéralement bafouée l'essence même de son œuvre, cette pièce est une automutilation, un charcutage incongru de plus de dix années d'écriture. À de multiples reprises au cours de la lecture, une impression amère se dégage : on dirait une fan-fiction. Le récit est d'une simplicité sans nom, une excuse à peine cachée pour le fan-service, Harry Potter et l'Enfant Maudit est une accumulation de fausses bonnes idées pour toucher à la nostalgie des lecteurs sans dévoiler une seule nouveauté. Apprêtez-vous à lire la saga Harry Potter en version best of.


Albus Severus Potter se lie d'amitié avec Scorpius Malefoy, ils contrastent avec les liens tendus et bien connus de leurs pères respectifs et vont même jusqu'à se retrouver tous les deux dans la même maison : Serpentard. Si jusqu'ici l'idée parait légèrement téléphonée, force est de constater que les deux jeunes hommes en deviennent attachants et finissent par tirer leur épingle du jeu. C'est un duo d'outsiders, un duo de « losers » pour reprendre Scorpius, ils subissent au quotidien le poids de la notoriété de leur lignée. Cette idée, extrêmement judicieuse de la part de Jack Thorne se retrouve totalement mise sur la touche par l'histoire rocambolesque et ridicule qui s'en suit.


En pleine crise d'adolescence, Albus avec l'aide de son ami décide de remonter le temps pour sauver Cédric Diggory dans l'idée de le ramener auprès d'Amos, réduit à un vieillard accusateur et pesteur envers le sorcier à la cicatrice. Son objectif est également de prouver définitivement à son paternel de quoi il est capable.
À coups abusifs de Retourneur de temps et d'effets papillons, Harry Potter et L'Enfant Maudit épuise par ses incohérences et sa redondance. Albus et Scorpius sont la représentation des fans trop fan et trop nostalgiques d'une époque, assoiffés par le fantasme de revivre les meilleurs instants de la saga Harry Potter. Aucune idée n'est exploitée en son maximum, c'est risible, la formule ne fonctionne pas. Comment les deux amis peuvent-ils à ce point modifier les événements du Tournoi des Trois Sorciers avec une telle facilité ? Pourquoi vouloir à tout prix remettre une couche sur un éventuel retour de Lord Voldemort ? Pourquoi revenir sur les traces du passé tout simplement ?


Toutes ces questions vous accompagnent durant la lecture, un véritable supplice très souvent accompagné de soupirs et de déception. Le format d'une pièce de théâtre se retrouve par ailleurs inutile et ne donne aucun rythme à l'histoire puisqu'il s'agit d'une succession de tableaux à l'instar d'un enchaînement de souvenirs de la Pensine. À jouer avec les réalités alternées, Jack Thorne en profite pour ajouter un zeste d'humour totalement attendu, fainéant et navrant. Les multiples versions des personnages (en fonction des modifications du passé) sont ridicules, point d'orgue pour Ron et Hermione, véritables sketchs à eux deux. En savoir plus sur le monde des sorciers suite à une possible victoire de Lord Voldemort aurait été la bienvenue, tel un Maître du Haut Château (Philip K. Dick) version sorcier, cependant, une fois de plus, l'idée est balayée aussi vite que le temps resté dans chacun de ces fragments du passé.


J'en viens à présent à la question épineuse de la progéniture de Lord Voldemort : elle décrédibilise toute la splendeur du personnage. Non pas qu'il soit inenvisageable que le Seigneur des Ténèbres ait eu un enfant (le débat reste ouvert à ce sujet), mais quelle option de facilité ! La fille cachée du puissant Mage Noir qui réapparaît pour venger son père inconnu qu'elle admire de par les récits et les légendes dont elle a eue vent. Jack Thorne essaierait-il de se la jouer Star Wars ? Après tout, il en ressort les mêmes mécaniques dont l'un d'entre eux est de ressusciter les personnages historiques de la saga originale. Sortes de caméos ratés pour accentuer le fan-service, de Cédric Diggory (et pourquoi Cédric Diggory bon dieu ?) à Dolorès Ombrage en passant par la vendeuse de bonbons du Poudlard Express (dont ma vision en sera entièrement changée à présent) sans oublier l'inratable retour (et malheureusement le plus désastreux) du professeur Severus Rogue.


À qui s'adresse cette pièce finalement ? C'est peut-être ça la véritable question à se poser ! Nulle doute que le rendu théâtral doit être impressionnant, avec une scénographie je l'imagine ô combien poussée à l'extrême, néanmoins il est évident que le fond est aussi creux que la caboche de Crabbe et Goyle réunie.


Pour clôturer en beauté cette critique, je citerais Albus Dumbledore dans Harry Potter et la Coupe de Feu et ses mots avisés :



Bientôt nous aurons tous à choisir entre le bien et la facilité.



Il semblerait que J.K. Rowling ait fait le mauvais choix.

KINOEIL
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le 22 mars 2017

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KINOEIL

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