Même s’il avait reçu le Prix Médicis étranger en 2004, il y a quelques semaines encore, je ne connaissais pas cet ouvrage « Histoire d’une vie » et encore moins son auteur, Aharon Appelfeld . Il a fallu que je lise l’autobiographie de Simone Veil pour apprendre son existence. Elle en faisait référence dans la première partie de son livre consacrée à sa propre déportation.
Né en 1932, à Czernovitz, en Bucovine (alors rattachée à la Roumanie), Aharon Appelfeld est juif. Il raconte ses souvenirs d’enfance, auprès d’une famille aimante, ses parents, ses grands-parents, son oncle et sa tante. Pour cela, il fait appel à sa mémoire sélective. Le lecteur y dénotera un bonheur fragile qui volera en éclat au moment de la seconde guerre mondiale.
La vie de Aharon Appelfeld est complètement bouleversée. Tout d’abord, il devient orphelin de mère. Ensuite, il connaît l’enfer du ghetto où tous les repères s’effondrent. Plus d’école. Plus de devoirs. Les chefs d’entreprises n’hésitent pas à voler du pain pendant la nuit. Nul ne sait de quoi sera fait le lendemain. L’avenir n’est pas brillant. Par chance, il réussit à s’enfuir du ghetto où règnent la terreur et l’angoisse en permanence. Toutefois, cette fuite lui a appris à se méfier davantage des humains que des animaux.
Pourtant cinquante ans, après la guerre, les souvenirs de l’auteur dans le ghetto n’ont jamais disparus. Ils restent même très présents. Ils ont traversé le temps. Ils deviennent de violentes tâches de mémoire, des sensations physiques très fortes sont gravés en lui. (Le besoin de manger du pain le réveille souvent en pleine nuit.) Des visions indélébiles de cadavres, qu’un homme ne peut pas oublier.
Vous présenter cette œuvre m’a semblé important. Je ne le regrette pas. Certains lecteurs diront que les trois derniers ouvrages présentés, dans cette page consacrée à la littérature, abordent un thème identique : la déportation et les horreurs de la Seconde guerre mondiale Ils finiront peut-être même par s’en lasser. Peu importe. Toutes ces horreurs ne doivent pas être oubliées pour ne pas être reproduites. N’ayant pas connu, personnellement cette terrible période, je me dis qu’un témoignage, à travers un livre, un documentaire peut me la rendre présente, me familiariser avec tout ce qui n’est pas moi. Le savoir se cultive et s’entretient sans quoi, l’esprit rétrécit et flétrit l’âme. La lecture de ce type de témoignage nous évite de vivre dans la seule approbation de notre univers culturel.

Thierry_Dupreui
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le 14 sept. 2018

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