L’histoire de Tönle est une histoire de montagne, de vies modestes et de ce que la guerre fait aux familles et aux territoires. C’est, en grande partie, celle de l’exil forcé de ce berger contrebandier des Dolomites, rattrapé un soir par les garde-frontières et contraint à quitter sa famille pour courir les routes d’Europe. C’est surtout une affaire de frontières : libre comme un homme doit l’être, Tönle ne cesse de se heurter à ces lignes incompréhensibles qui, pendant la guerre, ont en plus l’audace de bouger sans cesse, soulignant leur caractère ridiculement arbitraire. Il y oppose un bon sens terrien, une conscience entière et vigoureuse de sa classe et de sa place dans un monde traversé par une violence insensée. Le tout s’ancre dans une perception du monde riche et sensorielle qui place Rigoni Stern parmi les cousins de Giono, de Ramuz ou d’Oscar Peer. Une belle découverte sans doute à poursuivre avec Le sergent et la neige, le texte le plus connu de Rigoni Stern.