Avec ses phrases comme des vagues, Alan Pauls nous bercerait pour un peu, s'il n'avait ce sens aigu du récit, cette maîtrise constante qui fascine et fait croire un peu vite que le texte s'improvise sous nos yeux. Son Histoire des larmes est un océan de littérature, un accident perpétuel que Pauls transforme en tsunami pour tout avaler sur son passage : l'enfance, l'Amérique latine, l'anecdotique, l'historique, tous les matériaux n'en font plus qu'un, le roman, ensemble liquide et magique comme son écriture. Cette dernière procède comme un arbre généalogique duquel chaque phrase produit de la matière, explose, engendre des digressions qui à leurs tours se multiplient et viennent s'agripper aux branches déjà formées pour transcender le texte. Sans renier ses incontournables prédécesseurs (Borges, Cortázar), Pauls parvient depuis dix ans à se renouveler et créer son identité propre. Prodigieux.