L'une des plus anciennes sources de la mythologie grecque...

On sait maintenant que les Anciens se sont plantés en beauté lorsqu'ils attribuaient la paternité de ces hymnes à Homère. Certes, ils furent écrits en héxamètre dactylique, le mètre de la poésie épique grecque, mais Hésiode et d'autres auteurs l'ont utilisé après le maitre. De plus, les dates de composition ne collent pas. Si Homère écrivait vraisemblablement vers le IXème siècle avant notre ère, les "Hymnes Homériques" semblent étalés entre le VIIème (pour l'Hymne à Déméter, le plus ancien) et le IVème (pour l'Hymne à Ares, assez particulier, mais j'y reviendrai).

On suppose que ces courts hymnes étaient chantés par les rhapsodes pour introduire des poèmes plus longs, tels l'Odyssée ou la Théogonie d'Hésiode. De fait, leur réputation, chez les modernes, a longtemps pâti de n'être que des proèmes, c'est à dire des préludes à l’intérêt littéraire plus que douteux. Heureusement, la tendance actuelle est plutôt à la réhabilitation, et c'est amplement mérité, particulièrement au niveau de l'apport mythologique très ancien qui nous est proposé.

On commence donc très fort avec l'Hymne à Déméter, plus ancien témoignage que nous ayons de la légende de Perséphone enlevée par Hadès. L'histoire est particulièrement bien narrée, vivante, pleine de détails et parvient à retranscrire la détresse ressentie par la Mère de l'agriculture face à l'enlèvement de son enfant. De plus, la fin de l'hymne contient la première allusion écrite aux Mystères d'Eleusis, l'un des nombreux cultes secrets qui finirent carrément par concurrencer la religion nationale durant l'époque classique.

L'Hymne à Aphrodite est également excellent, puisqu'il nous permet de découvrir à travers la déesse de l'amour le sort généralement alloué aux mortels qui se voient offrir la vie éternelle. L'horrible destinée du prince troyen Tithon vient ainsi torturer la déesse qui est elle-même tombée amoureuse d'un simple humain...

Viennent ensuite deux hymnes à Apollon, que je n'ai pas follement appréciés parce que je les trouve trop alourdis par l'énumération de noms d'iles et de villes. Et puis, l'histoire est racontée de façon un peu confuse, quand même...

Le dernier hymne long est celui à Hermes. C'est raconté comme une grosse blague potache, un peu bizarre même, et ça vient dérider ceux qui pensent que la mythologie grecque est toujours grave et sérieuse. D'ailleurs dans le cas présent, mieux vaut le prendre au dixième degré pour être réceptif...

Viennent enfin de multiples petits hymnes, presque une trentaine, dont l'intérêt est très variable puisqu'ils ne racontent généralement pas d'histoires. J'en retiendrai particulièrement deux: celui consacré à Dionysos, qui a un vrai contenu narratif, et celui à Ares. Ce dernier est remarquable en ce qu'il est l'un des très rares exemples de prières où l'on demande à un dieu de ne PAS exercer sa puissance. On est là dans une vision religieuse très différente de l'habitude, ce qui fait penser à une forte influence de l'orphisme, sans doute le culte à mystères le plus populaire de l'Antiquité.

Vous l'aurez compris, l'ensemble n'est pas forcément inoubliable d'un point de vue littéraire. C'est bel et bien les apports mythologiques anciens, et assez bien conservés, qui rend la lecture de ces "Hymnes Homériques" plutôt profitable à tous les amoureux de légendes grecques.
Amrit
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le 25 nov. 2014

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