Inferno
6.7
Inferno

livre de Dan Brown ()

Vous qui lisez, abandonnez toute espérance.

Lu par pure curiosité malsaine ; mettre mon doigt dans la plaie et voir de mes propres yeux ce qu'on a infligé à l'un de mes auteurs préférés, ma période fétiche, mes peintres, sculpteurs et architectes favoris.


Tout compte fait pas grand chose tellement ça demeure superficiel et souvent très couillon. Ici on caresse le lecteur dans le sens du poil : tout un chacun ayant visité vite fait Florence, lu un ouvrage général sur la Renaissance ou ne serait-ce que regardé deux-trois Secrets d'Histoire reconnaîtra toutes ces références, en connaîtra les noms et les quelques anecdotes historiques. C'est là la pointe de l'iceberg, son pyramidion doré, et l'on flotte donc tout du long dans le cliché-topos sans jamais à peine effleurer ce qui fait la singularité de ces belles choses. Partant, cette carte au trésor perd absolument tout intérêt.


Alighieri Dante ? Comme prévu, Brown reste dans les grandes largeurs au creux de la vision de sa redécouverte au XIXe siècle par le Romantisme et toute sa clique, celle entérinée par Delacroix, Doré et Blake, celle de l'Enfer que l'on voudrait si sinistre, si tortueux et l'on escamote plus ou moins Purgatoire et Paradis. Peintres que j'aime beaucoup au demeurant, là n'est pas la question, mais il faudrait parfois aller au-delà. Idem pour la Carte des Enfers de Botticelli (qui, bien que ça soit répété plusieurs fois n'est pas un tableau mais un dessin sur parchemin), que l'auteur tente de faire passer pour du torture porn avant l'heure. On frissonne souvent chez Dan Brown. Par contre, évoquer ses gracieux dessins inachevés du Paradis, niet !


De l'infinie richesse de l'œuvre du Florentin et de sa vie, on garde donc trois paraphrases et deux gimmicks à la limite du contre-sens. Même du côté de la symbolique, pseudo-spécialité du héros, inépuisable dans la Divine Comédie, il n'en utilise réellement aucun, collant à son idée eschatologique à côté de la plaque. A noter aussi que Langdon évoque une double lecture quand, traditionnellement, on lui en donne trois (historique, allégorique, anagogique), voire quatre.
Bref, on aurait sensiblement pu écrire l'exact même bouquin mais situé en Flandres/Allemagne (puis l'Espagne) avec Dürer, Bosch, Bruegel et Brant. Sûrement pour le prochain !


Sur la forme, là où on l'aurait pu, à défaut, trouver un tantinet d'intérêt et d'aventure, c'est pas la joie non plus : écriture et narration sont terriblement pauvres. Cousu de bout en bout de fil blanc, d'incohérences et de heureux hasards. Du non-écrit à la Bernard Werber, du script blanc prêt-à-adapter répétant en boucle ses trois mêmes effets flasques. Non, c'est en toute sincérité pénible à lire.
Dan Brown parvient à raboter toute la magie du vieux Florence. Cahin-caha on va d'interminables scènes de course-poursuites en laborieux twists. C'est chiant ! D'un coup tout le côté kitsch, ringard et 'over the top' des films prend sens.


Quant à Langdon... il est un véritable héros, sexy et élégant, désinvolte et charmeur sans jamais avoir l'air d'y toucher, qui sait tout sur tout, a donné des conférences sur maintes sujets sans rapports aucuns.
Ho ho ! ce délicieux passage du colloque où, encore étudiant, les membres de la Société de Dante l'applaudissent à bâtons rompus tandis qu'il annone avec un humour lourdingue le B.A. BA, le 101, le premier paragraphe de Wikipédia sur Dante et sa Commedia. Le meilleur reste tout de même le « Langdon disait de [Vasari] qu'il était le premier historien d'art de la planète. » Oui oui car personne ne dit ça depuis des siècles... Il y a meilleure façon d'incorporer les œufs.
M'enfin, cette mémoire eidétique et cette science infuse sont à géométrie variable et ne lui remontent à la tête que quand ça arrange l'auteur. Sainte Sagesse ? Vraiment ? Ca ne lui fait pas tilt direct ? Ne serait-ce que par réflexe ça devrait lui effleurer l'esprit et ne pas foncer tête baisser à V.


S'il existait, Langdon serait de ces piètres historiens anonymes, touche-à-tout et spécialistes de rien, passant du coq à l'âne sans ne jamais rien poursuivre ni approfondir, bloquant sur le détail, le superficiel, faisant feu de tout bois pour faire leur beurre rance mais passant au large des véritables problématiques ; condamnés à rédiger des textes fades ou polémiques pour des revues bas de gamme et de mauvais beaux-livres que l'on offre, par hasard, chopés à la dernière minute à la Fnac, à Noël. Ou des romans à mystères.


Ce serait le mec d'Alien Theory, voila.

Nushku
3
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le 4 avr. 2015

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Nushku

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