Daniel Arsand signe un livre d'une grande justesse en nous emmenant dans une Allemagne, dans un premier temps, dévastée par le passage des Nazis. Dans un second temps, nous partons dans la France d'après guerre où les choses paraissent plus plaisantes, plus agréables, où tout parait possible... jusqu'au moment où les illusions tombent et où la réalité humaine rattrape notre compagnon de lecture, Klaus Hirschkuh.
Klaus revient à Leipzig, sa terre natale. Il est littéralement crotteux. Il vient de connaitre l'enfer, rescapé de quatre années dans les camps de Buchenwald. Envoyé là-bas pour homosexualité, il connait alors les pires tortures physiques, les pires humiliations. Son humanité est effacée. Il n'est plus rien. De retour chez lui auprès de sa famille - père, mère, frère - il se confronte à la pudeur des sentiments, à la rancœurs parfois, à l'incompréhension souvent; et c'est par l'alternance de scènes fortes que nait chez le lecteur une foultitude d'émotions qui viennent en pagaille nous faire vivre physiquement la lecture.
Daniel Arsand transcrit le traumatisme, le silence, l'envie de hurler, l'incapacité de parler et l'impossibilité de vivre libre de manière crue, sensible, quasi charnelle. La langue, la syntaxe nous offre un agréable moment de lecture. Les mots s'entrechoquent dans des phrases tantôt longues, interminables, tantôt courtes, réduites à l'essentiel; traduisant l'état nerveux et émotionnel du personnage. Klaus comme une figure de persévérance, de solidité fragile, qui tente de vivre debout malgré tout, malgré les blessures, vives et intimes, d'avoir été meurtri et violé dans sa chair et dans son identité.