Margot, jeune adolescente discrète, a tout pour vivre une vie paisible, à quelques détails près : la jeune orpheline est indestructible et capable de voler. Sa destinée littéraire semble alors toute tracée : elle sera une super-héroïne. Sauf que Pit Agarmen - ou plutôt Martin Page - se refuse à la facilité et joue avec les codes de l'univers des super-héros. Le titre "Je suis un dragon" attire, intrigue et laisse place à l'imagination : que vient faire un dragon dans l'histoire ?
Dès les premières lignes, l'auteur nous tient en haleine :
Le docteur Poppenfick leva un long morceau de bois. On aurait dit une
fine batte de base-ball. Il regarda Margot assise sur sa chaise. Elle
portait un large pyjama bleu d'hôpital et des sandales en tissu rouge
pâle trop grandes pour ses petits pieds. Le docteur prit son élan et
écrasa son arme sur le crâne de la jeune fille.
La tête de Margot partit en arrière et le bâton se cassa en deux.
La fillette se redressa et se frotta la tempe. Elle sourit d'un air
désolé.
Le docteur posa ce qui restait du morceau de bois sur la table en fer
au milieu de la pièce. il évita le regard des hommes et de la femme
qui l'encerclaient. Il saisit un sac en tissu noir et en sortit une
hache.
"Je suis un dragon" se dévore bien vite malheureusement, les presque 300 pages étant très (trop ?) bien aérées. Sous couvert d'un thème classique de la fantasy, Martin Page offre une réflexion sur la puissance et l'humanité.
Aussi idyllique que cela puisse paraître, ne ressentir aucune douleur physique n'est pas une barrière à tout. L'auteur dépeint les horreurs du monde : violences et corruptions, désastres humanitaires et manipulations. Si Margot ne saigne pas, elle voit ce qui l'entoure. Margot ne pouvait pas éternellement cacher ses pouvoirs et finit par devenir l'arme des grandes puissances du monde. A 14 ans, elle se retrouve en charge de diverses missions aux quatre coins de la planète pour sauver des vies, mais aussi pour garantir certains intérêts politiques.
Loin des super-héros de Marvel, Margot ne se rêve pourtant pas elle-même dans un costume de super-héros : pour elle, c'est comme jouer un rôle dans une pièce de théâtre. Sa supériorité, elle la voit d'abord comme une tare l'empêchant à jamais d'être égale aux autres. Et c'est bien là là force de la narration, que de faire de cette héroïne une jeune fille frêle et timide, faisant partie de ces enfants préférant ne pas faire de vagues au risque d'être brimés par d'autres.
On s'attache vite à cette fille un rien naïve mais surtout pleine d'innocence et de curiosité malgré son apparente asociabilité. Contrairement aux classiques du genre, Margot n'est pas hors du temps, elle ne pense pas qu'à sauver l'humanité, elle a également ses propres préoccupations. Comme toutes les jeunes filles de son âge, elle grandit et fait peu à peu ses propres choix.
Bien que certains détails auraient gagné à être creusés davantage pour donner plus de profondeur aux autres personnages, certains restant évoqués de manière très superficielle, la collision entre super pouvoirs d'une adolescence en pleine construction d'elle-même et intérêts géopolitiques donne matière à s'interroger tant sur la possibilité de maîtriser nos vie que sur les grands qui dirigent ce monde et le manipulent. Comme un bol d'air pur, ce livre tend à redonner confiance à tous ceux qui doutent d'eux-mêmes : chacun peut, au fond de lui, être un dragon à sa façon.