Je n'suis pas le personnage le plus à l'aise avec les interactions de masse, échanges de regards et autres circonvolutions de convenances avec mes congénères et, n'ayant ni la cigarette pour ornementer mon attitude d'une manière affairée ni un téléphone assez développé pour la recroqueviller sur toute une panoplie de jeux colorés, je trouve parfois le salut dans quelques pages qui se font vite l'allié parfait dans les situations de groupe que peut offrir une vie commune de type mammifère bipède urbain.

Je suis aussi du genre dépassé, de ces illuminés un peu évadés, comme en apesanteur, apportant une importance certaine, et surement totalement démente, à la relation entretenue avec un conte attachant, du genre à ressentir une sorte d'affection improbable avec l'objet livresque, compagnon idéal aisément transportable, corné ou écrasé mais fidèle au coin d'une poche quelconque.

Pour tout ça, L'Appel de la forêt est un bouquin parfait. C'est l'ami inespéré pour se barrer par une fenêtre quelques minutes, dans une salle bondée ou calfeutré au coin d'un canapé.

Rarement histoire n'aura si bien porté son nom et c'est dans le sillage de Buck et ses babines rougies d'écarlate qu'on est directement harnaché, emporté vers les lames gelées et les pleines immaculées pour cette visite guidée de l'animalité retrouvée.
Un conte de bon chien docile évoluant avec hargne vers le loup sauvage et sanguinaire, s'arrachant à une vie de servitude aisée et grasse pour s'engouffrer dans l'antre sombre des sous-bois ténébreux vers une liberté de crocs et de sang.
Quelques lignes sur une vie giflée par le vent, striée par la glace, balafrée par le fouet, cabossée par le gourdin pour enfin se repaître d'une extase évadée dans le goût de la chair, lacérée par les griffes. Un plongeon éprouvant nerfs et muscles, nappé de bave et de pourpre, aux tréfonds d'une essence de sauvagerie bestiale et sans entraves, courant dans les balafres régulières des ramures de suie sur la nuit glacée, le souffle brûlant et l’œil pétillant dans une envolée prédatrice.

Jack London est un écrivain de génie qui en quelques paragraphes, court roman, grosse nouvelle, ouvre une voie vers un monde aussi réel que fantasmé pour le sédentaire un brin craintif que je suis. Un bouquin exceptionnel qui se fait le temps de 120 pages le meilleur pote qu'il puisse être.
zombiraptor
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le 2 oct. 2014

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zombiraptor

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