L'Art de perdre
8.2
L'Art de perdre

livre de Alice Zeniter (2017)

Le parfait mélange entre récit historique, roman et autobiographie.


Ce livre a avant tout une utilité sociale majeure. En effet, on sent bien qu'Alice Zeniter s'est donné la tâche de rappeler combien la France a les mains sales en ce qui concerne son passé colonialiste (si on peut vraiment parler de passé) et plus particulièrement, son rapport à l'Algerie dans les années 1960. Elle réussit une reconstitution historique de la guerre d'indépendance de l'Algérie en abordant des aspects sombres oubliés voire niés par la France et donc, absents des manuels d'histoire (ou en tout cas, non représentés de la sorte) sous forme de roman et c'est ça qui fait tout l'intérêt de ce livre - mais pas que.


Ce qui rend la lecture facile, c'est l'aisance avec laquelle elle marie les éléments historiques au roman. C'est un malin mélange qui prend bien et nous happe dès les premières pages.
Ce qui rend le récit riche et complet, c'est l'ingénieuse idée de suivre l'histoire à travers trois regards, trois générations : celui du grand père, du fils et de la petite fille. Mais aussi, le travail de recherche et de reconstitution qu'a dû entreprendre Alice Zeniter et que l'on suit - de manière presque autobiographique - à travers le troisième personnage - la petite fille, Naïma. A travers les différents personnages à qui elle attribue un vécu issus d'un savant mélange entre transmission, faits historiques et envies d'émancipation, elle parvient à décrire avec finesse ce que produit le colonialisme, le déracinement, l'exclusion, le sentiment apatride, le racisme, la douleur de la perte, le besoin de reconnaissance et d'appartenance...


Aussi, j'ai beaucoup apprécié cette ambiguïté entre le personnage de Naïma et l'autrice. On ne sait plus si on apprend à connaître Naïma à travers Alice ou Alice grâce à Naïma.


Enfin, et c'est sans doute ce qui m'a le plus épaté, Alice Zeniter manie l'elipse avec une facilité déconcertante et passe donc du récit principal - censé se dérouler dans les années 1960 - à l'anecdote du moment présent attribuée à Naïma.


Je ne peux que conseiller et re-conseiller ce magnifique ouvrage, fruit d'une plume vraiment remarquable, qui mérite bien des louanges et qui a su m'émouvoir aux larmes.

Lenarines
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le 28 févr. 2020

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