En ces temps troublés, la lecture de ce roman de Y. Khadra m'a semblé tomber à point nommé. Encore chamboulée des horreurs de ce 13 novembre, L'Attentat a été comme une catharsis.
Tenter de comprendre, à l'égard du personnage principal, comment une personne peut un jour basculer dans la radicalisation et atteindre un tel degré de violence.
Amine Jaafari, le personnage principal, est un chirurgien arabe talentueux qui tire sa fierté de sa réussite professionnelle et sociale. Grâce à son parcours d'étudiant chevronné en médecine, il a peu à peu gravi les échelons de la société israélienne et gagné sa nationalité, refoulant ainsi peu à peu ses origines et s'éloignant des siens. Mais sa bulle dorée éclate lorsqu'un jour, après une journée passée à tenter de sauver les victimes d'un attentat, Amine apprend que la kamikaze n'est autre que sa propre femme, Sihem. Aveuglé par la douleur, n'ayant rien soupçonné, il va tenter de comprendre le cheminement de la femme qu'il a perdu. Cette quête va le mener malgré lui dans le monde qu'il a tenté de renier depuis des années, et prendre conscience de la réalité à laquelle les siens sont confrontés au quotidien.
Si l'Attentat traite ici du conflit israelo-palestinien et nous plonge dans le chaos complexe auquel il est lié, il offre des pistes intéressantes de réflexion sur les différentes figures du terrorisme et nous offre quelques clés de compréhension sur la situation actuelle. Le roman a été publié en 2006, et les choses ont déjà bien évolué depuis... mais les faits qu'il relate permettent d'ajouter une infime pièce au puzzle bien complexe que représentent aujourd'hui les enjeux qui soulèvent le monde arabo-musulman. Beaucoup de confusion règne aujourd'hui, et nous utilisons un vocabulaire spécifique qui nous échappe, des termes que nous utilisons souvent mal. Lire des articles, des livres (même des romans) sur le sujet permet de mettre de l'ordre dans des notions difficiles. J'ai relevé notamment un passage :
" Un islamiste est un militant politique. Il n'a qu'une seule ambition : instaurer un Etat théocratique dans son pays et jouir pleinement de sa souveraineté et de son indépendance... Un intégriste est un djihadiste jusqu'au-boutiste. Il ne croit pas à la souveraineté des Etats musulmans ni à leur autonomie. Pour lui ce sont des Etats vassaux qui seront appelés à se dissoudre au profit d'un seul califat. Car l'intégriste rêve d'une ouma une et indivisible qui s'étendrait de l'Indonésie au Maroc pour, à défaut de convertir l'Occident à l'islam, l'assujettir ou le détruire... Nous ne sommes ni des islamistes, ni des intégristes, docteur Jaafari. Nous ne sommes que les enfants d'un peuple spolié et bafoué qui se battent avec les moyens du bord pour recouvrer leur patrie et leur dignité, ni plus ni moins".
Outre cet aspect thématique important, L'Attentat reste une fiction bien menée. Le lecteur est vite accroché et le début est particulièrement réussi. Le rythme du livre est cependant assez inégal, et la quête se perd parfois en longueur mais certains temps forts permettent de tenir le cap. Les émotions du personnage principal sont particulièrement bien retranscrites. Certains personnages secondaires clés disparaissent malheureusement à la fin, où l'on change complètement de décor. Le roman, malgré tout se lit d'une traite.
La fin, tragique, poétique, fait écho au premier chapitre du livre et souligne l'aberration d'une situation enlisée où la violence est reine. Elle achève aussi d'une manière inattendue la quête d'Amine, qui aura trouvé peu de réponse sur sa femme mais davantage sur lui-même.