Il s’agit ici de raconter un certain type d’expérience, où l’être de celui qui la vit est remis en question par l’intensité de cette dernière.

"L’expérience est la mise en question (à l’épreuve), dans la fièvre et l’angoisse, de ce qu’un homme sait du fait d’être. Que dans cette fièvre il ait quelques appréhension que ce soit, il ne peut dire : "j’ai vu ceci, ce que j’ai vu est tel" ; il ne peut dire : "j’ai vu Dieu, l’absolu ou le fond des mondes ", il ne peut que dire "ce que j’ai vu échappe à l’entendement"."

Ainsi, contrairement aux significations que pourrait véhiculer "expérience intérieure", il ne s’agit pas de rencontrer Dieu ou une quelconque vérité, mais ce qui dépasse l’entendement, qui extérieur a moi, ce que je ne sais pas, l’inconnu. Cette expérience est une dépossession, une "déqualification" de l’être. C’est justement cette dissolution dans l’angoisse qui permet de renouveler la pensée, de l’arracher de ses lieux communs, de son histoire. La thèse de ce livre est quasiment dans ce passage :

"Le non-savoir dénude.
Cette proposition est le sommet, mais doit-être entendue ainsi : dénude, donc je vois ce que le savoir cachait jusque-là, mais si je vois je sais. En effet, je sais, mais ce que j’ai su, le non-savoir le dénude encore. Si le non-sens est le sens, le sens qu’est le non-sens se perd, redevient non-sens (sans arrêt possible)".

Tout le livre tourne autour de ce moment précis, tente de le cerner. Seront convoqués, Dieu bien évidemment, Hegel (que Bataille imagine avoir vécu ce moment, mais l’ayant conjuré, annulé en établissant un système :"le système c’est l’annulation", Descartes (sur le problème de la connaissance de Dieu) et enfin Nietzsche.

L’expérience Intérieure n’est pas un livre qui est régit par la rigueur académique, non pas qu’il ne soit pas précis ou vague mais il constitué de poèmes, de pensées éparses. Cette forme fragmentée est certainement plus apte a décrire la réalité de cette expérience (car a la limite de l’indicible) alors qu’une forme bien structuré pourrait donner l’illusion d’une cohérence ou d’un ensemble défini par des critères précis.

"Dieu

A la main chaude
je meurs tu meurs
où est-il
où suis-je
sans rire
je suis mort
mort et mort
dans la nuit d’encre
flèche tirée
sur lui."
Heliogabale
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le 2 mars 2014

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Héliogabale

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