Sur le papier, l'homme symbiotique est une utopie réaliste où l'homme, la nature, et la technologie atteignent leur point de fusion autour du "cybionte", macro-organisme planétaire métaphorique aux échanges élégamment régulés. Adam et Eve connectés, réconciliés avec le jardin d'Eden. Alléchant.

Mais la jubilation attendue ne tient aucune de ses promesses. C'est simple, on referme le bouquin, et on se dit qu'on y croit pas, qu'on prend plutôt le chemin inverse de celui déployé par le scientiste.

La majorité de l'ouvrage se limite à une furieuse décortication des systèmes dynamiques (entreprises, réseaux...) de notre monde présent, sous l'angle favori de l'analogie. De la comparaison entre micro et macro. De la répétition des motifs et idées, par itérations fractales entre société et systèmes naturels. Et de bien nous faire comprendre que la Nature a déjà tout inventé. On s'en doutait, merci.
C'est en puisant sans vergogne dans ces flux biologiques, décalqués sur nos enjeux technologiques, que de Rosnay dessine le diagramme de nos sociétés entièrement tournées vers le "connexionnisme" (homme-nature-culture-technologies), malgré les évidentes "bulles temporelles" qui fragmentent notre monde, reconnait-il.

Même s'il prévient qu'il n'a pas de boule de cristal, l'auteur en prospectiviste forcené, semble atteint du complexe de Cassandre. Du prophète injustement ignoré des masses, convaincu de connaître la "recette" d'un monde idéal pacifié. Indécrottablement optimiste, il propose des pistes de développement sociétales et individuelles qui aideront l'homme à franchir une étape décisive de son évolution.
Certes, il a bien conscience des freins qui compromettent son projet (égoïsme, pollutions, hiérarchies sclérosantes etc.) mais ne s'attarde finalement pas trop sur ces points de friction. Dommage, car ces moments de haute lucidité sont certainement les passages les plus intéressants de l'essai. Notamment quand il qualifie l'homme de "génie individuel et idiot collectif", tout à l'inverse des fourmis. Et il saute aux yeux que, repris par ses envolées optimistes, De Rosnay sous-estime ces puissantes forces d'inertie et de destruction, rendant ses projections vaguement fumeuses.

Ma lecture intervient près de 15 ans après la publication de ce livre. Et force est de constater que s'il effleure certains concepts devenus actuels, le reste ressemble plutôt à un pétard mouillé. A moins que son monde fantasmé ne prenne vie dans plusieurs siècles (ce qui semble être le cas dans l'esprit de l'auteur). L'exercice est difficile, alors on peut être indulgent sur ces approximations.

En revanche, guillotine sur le style atroce de l'auteur.
De l'anti-vulgarisation à l'état brut.
Cela ressemble à un bouquin écrit par... un ordinateur dénué de toute chaleur humaine. Le langage y est extrêmement technique, et l'ensemble tient plus de la thèse, ou de l'article hors-série d'une revue scientifique. L'échec est consommé car si de Rosnay voulait rallier le profane à ses idées, il s'y prend très mal, et chaque page, dans ce marathon analytique, est crevante à lire. C'est regrettable, parce qu'on a affaire à un homme à l'intelligence remarquable, mais l'humilité du discours, de Rosnay, connaît pas. Une grande déception.
franckwalden
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le 3 janv. 2014

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Franck Walden

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