C'est un retour à mes premières amours américaines que j'effectue en lisant à nouveau Carson McCullers. Le coeur est un chasseur solitaire, Frankie Addams et à présent L'horloge sans aiguilles. Dans ce dernier roman, écrit dix avant sa mort, l'autrice de Géorgie continue de nous conter le Sud, sa chaleur étouffante propice à l'ennuie et la solitude, sa pauvreté écrasante, son racisme ordinaire, mortifère...
Et toujours, une même galerie de personnages fascinants : un jeune noir aux yeux bleus sans parents s'interroge sur ses origines , un pharmacien en fin de vie cherche du sens , un vieil homme blanc, diabétique, est nostalgique du Sud esclavagiste... Elle livre ici son livre le plus engagé et ce avec beaucoup d'humour:
"Mrs Malone trouva une bonne pour le juge, qui fut ainsi sauvée de la rue. C'était une Indienne de race presque pure et on ne l'entendait pour ainsi dire pas. Mais le juge n'avait du moins plus à craindre la solitude chez lui. Il ne se sentait plus l'envie d'appeler :"Quelqu'un, quelqu'un, n'importe qui!" Car la présence d'un autre être humain le réconfortait au point que la maison aux vitres de couleur, la console surmontée d'un miroir, la bibliothèque et les autres pièces familières ne l'effrayaient plus par leur silence. La cuisinière s'appelait Lee. Avec elle, les repas étaient bâclés, mal préparés et mal servis. Quand elle apportait le potage, au début du déjeuner, ses pouces trempaient d'un bon centimètre dans le liquide trouble. Mais elle n'avait jamais entendu parler de la sécurité sociale et elle ne savait ni lire ni écrire, ce qui emplissait le juge d'une subtile satisfaction. Pourquoi ? Il se le demandait."