Le destin est déjouable, c'est la leçon de ce thriller rempli d'horreurs. Je croyais avoir lu le paroxisme de l'abjection dans Train d'enfer pour ange rouge, mais les sadomasochistes sont des petits joueurs à côté du mal qui sévi dans ce roman.
Cette fois Thilliez, en plus de troquer Franck Sharko, le commissaire tourmenté, contre Lucie Henebelle, la brigadière célibataire, multiplie les points due vue. A la manière d'un scénariste, il mani les chapitres comme il organiserait le montage d'un film. Les projecteurs sont braqués sur Lucie, puis sur ses collègues, ensuite nous visitons l'esprit tourmenté de deux informaticiens au chômage et d'un coup nous voilà dans le cerveau détraqué d'un personnage... peu recommandable. L'auteur se fait plaisir en allant jusqu'à nous livrer les fantasmes et délires d'un meurtirer dérangé, même s'il ne nous y plonge pas en profondeur, et il réussit tout de même à maintenir un suspens quasi-permanent, bien que ses procédés soient répétitifs : les points de suspension sont ses meilleurs amis.
Ah ! Stephen King est son roi, son influence la plus présente (il cite son nom à deux reprise dans ce seul roman), et on la sent jusque dans la façon crue qu'il a de décrire les monstruosités les moins envisageables. C'est moins empoulé, moins surfait que dans Train d'enfer pour ange rouge, c'est plus clean, et c'est sûrement dû au sujet de l'intrigue.
Mais il faut avouer que parfois, il joue avec les facilités de la fiction...
Lucie qui se fait attaquer à deux reprises par la bête musclée comme personne et qui se relève on ne sait comment, s'en sort indemne... J'accroche pas au côté super-héros le la flic flippette. M'enfin.
Thilliez aime bien nous jouer des tours, mais il était meilleur pisteur dans Deuils de miel. Sans compter qu'un goût amer reste coincé dans ma gorge quand je pense à son immitation du parfait féministe. Il place la femme au premier plan de l'intrigue (héroïne, antagoniste, victimes...) alors qu'il la démonte en quelques lignes :
Chapitre 6 : " Condamnée à somnoler le jour, pour subir, la nuit, les appétits de vie des nouveau-nés. Sans bras masculins pour la soutenir." Comme si un homme était toujours indispensable.
Chapitre 20 : Et ce personnage machiste à outrance, Raviez "Toujours pas prête ? Ha ! Les femmes ! [...] Au fait, Henebelle, tout à leur dans la salle de bains... Très beau cul..."
Haletant et dégoûtant, c'est la meilleure façon de définir ce bouquin qui donne accès à toutes les facettes d'une enquête chronométrée et éparpillées sur plusieurs pistes. Pour ça, chapeau au travail de recherche de Thilliez. Et dire que le sang lui fait tourner de l'oeil... C'est pourtant l'un des mots les plus utilisés dans ces 350 pages. Il m'en faudra cependant plus pour m'attacher à Lucie Henebelle, alors que j'ai hâte de retrouver Franck Sharko. Faut dire que la donzelle n'est qu'à moitié humaine... !