Spoil Alert à différents endroits.


Ce 2e opus d'Hypérion, La Chute donc, me laisse un peu perplexe. Tout d'abord, je dois dire que j'ai vraiment apprécié le 1e opus, principalement grâce à son découpage correspondant aux personnages du récits, les sept fameux pèlerins. Ce qui me gêne ici, c'est le côté un peu fouillis de l'intrigue et de l'enchainement des scènes. L'auteur a réussi d'une certaine manière à me perdre avec ces personnages et surtout dans leurs péripéties. Comme on le sait, au fur et à mesure que le temps passe (parfois à rebrousse poil) dans la vallée des Tombeaux du Temps, le groupe s'étiole et chacun pèlerin suit sa propre trajectoire.


Je me suis retrouvé à plusieurs reprises à penser "Ah ça y est, il va lui arriver un truc de fou, à celui-ci", et puis en fait non, pas vraiment ou pas totalement, ou peut-être pas tout de suite ou pas tout d'un coup. Bon alors je laisse en plan le truc (puisque l'auteur me l'impose) et je continue la lecture. Puis le temps passe, de nombreuses scènes se produisent, et je retrouve à nouveau ce personnage dans la même situation. Et là je me dis "mais merde, depuis 50 ou 100 pages, il n'a pas bougé lui ? Y'a pas un problème temporel là ?".


Par exemple lors du combat Kassad/Gritche : Kassad provoque le Gritche, il est prêt à se battre et ça on le sait depuis un bon moment, depuis le début/milieu du 1e tome pour être exact. Entre le moment où ils se font face et le moment où le combat commence, il ne se passe dans leur monde que quelques instants. Pourtant, entre ces deux instants, le lecteur aura le droit à une série de péripéties impressionnante avec les autres personnages, et dont chacune va se produire à un rythme différent. Et quand on revient au combat, on se dit : "Ha mais oui c'est vrai, Kassad était prêt à se battre.. ben ça n'a pas commencé ? Ben pourtant le temps de....Hein ?" Je n'ai pas fait le compte exact, mais il doit y avoir au moins 100 pages entre ces deux instants, peut-être même 150. C'est beaucoup pour un simple "instant" !


Cette longueur permettra au consul de suivre une véritable aventure à part. Celle-ci durera 2 ou 3 jours mais paraitra plutôt durer 2 ou 3 semaines tant son périple est dense : traversée d'un continent entier, rencontre avec des pillards, traversée d'une zone de guerre planétaire, aller/retour en mission diplomatique spatiale, rien que ça ! Pendant ce temps à Vera Cruz (...), Sol Wentraub poireaute gentiment avec son bébé, et pour la 20e fois on répète qu'il n'y a presque plus de lait pour le mioche. Quant au mal nommé Joseph Severn, lui traverse des rêves, des infosphères et des mondes réels autant que virtuels d'un battement de cil, et on finit par se demander dans quel plan spatio/temporel il évolue réellement, sans avoir de réponse clair à ce sujet vu ce qu'il va lui arrivé.


Bref... cette vision des évènements, tantôt micro tantôt macroscopique, tant au niveau temporel que spatial, et dont l'alternat dépend principalement des allées-venues entre personnages, a finit par m'être un poil indigeste, et c'est fort dommage car je me suis quelque peu détaché de ces personnages alors que je m'y étais vraiment attaché dans le 1e tome, comme la plupart des lecteurs je suppose. J'ai l'impression que Simmons s'est plu à faire un truc chiadé sans se rendre compte que le monde qu'il avait imaginé/créé était assez profond pour ne pas avoir besoin d'en rajouter à toutes les sauces. C'est à mon sens le seul véritable point noir de l'oeuvre.


Mais il y a aussi une autre petite chose qui me tracasse. Je me souviens d'une critique d'Hypérion, lue ici sur ce site et qui disait : "y'en a mare de tous ces termes pseudo scientifiques qu'on ne comprend pas, ça fait genre ''j'ai créé un monde profond" alors que justement ça montre un côté superflu". Je n'étais pas du tout d'accord avec cette critique pour le 1e tome. Certes, il y a pas mal de termes pseudo technique mais on s'y retrouve sans trop se prendre la tête. En voici un petite liste :



  • un persoc est une unité biomédicale intégrée à votre smartphone attaché à votre poignet comme une montre. Ca existe déjà plus ou moins dans notre réalité, mais chez Simmons c'est presque un véritable hôpital électronique portatif;

  • un champ de confinement est une bulle qui sépare l'intérieur de l'extérieur, un truc magique dont rêve l'humanité depuis longtemps pour tout un tas de raisons, sans avoir pour le moment la moindre espérance de pouvoir créer une telle chose;

  • la propulsion Hawking et le déficit temporel, on comprend que la barrière de la vitesse de la lumière n'en est pas vraiment une, mais que le voyage coûte quand même du temps chèrement payé. L'effet de spin veut simplement dire qu'aller au delà de la lumière, c'est comme un grand manège puissance 1000 si t'as pas un champ de confinement gravitique : tu vomis de l'extérieur vers l'intérieur, un truc bien crado;

  • l'infosphère, c'est l'internet mondial en plus grand, la mégasphère ce sont les infosphères planétaire réunies par le mégatran;

  • Le mégatran et le distran sont deux systèmes de communication instantanée, l'un pour véhiculer l'information (mégatran), l'autre la matière, organique ou pas (distran). Ces deux systèmes ont été offerts à l'humanité par les IA, c'est ce qui a crée l'Hégémonie.

  • Tout le reste, les trucs sur les armes à feu, les stimsim, les faisceaux à bande étroite ou large, les petits objets qu'on retrouve dans le récit, etc... est d'une utilité toute relative.


Alors tout ça, c'est très bien quand on s'y tiens... mais ce n'est pas le cas dans La chute d'Hypérion. Ou alors si c'est le cas, c'est que les choses ont été présentées de manière très bizarres depuis le début d'Hypérion.


Je m'explique : tout d'un coup, vers la fin du 2e tome quand plusieurs planètes sont en danger, on apprend que toutes les portes distran d'une planète sont reliées entre elles par un dodécaèdre de singularité qui entoure la planète (1e nouvelle). A ce stade, on croyait qu'une porte distran, c'était juste une porte vers un ailleurs, genre Stargate, mais en fait non. Et on apprend aussi que ce dodécaèdre de singularité est lui-même protégée par une sphère de confinement (2e nouvelle). Cet élément apparait comme un point crucial lorsque la guerre stellaire éclate, or à aucun moment dans Hypérion ni même au début de La Chute on ne le précise. Ces deux nouvelles sont d'autant plus marquantes qu'un confinement est présenté depuis le début comme quelque chose qui se voit ou se perçoit d'une manière ou d'une autre (par les couleurs et/ou les formes), alors que les planètes hégémoniennes ne sont jamais décrites comme entourées d'une sphère ou d'un dodécaèdre quelconque quand on passe en approche orbitale. Ca peut paraitre con, mais l'image visuelle que je me faisait du Retz est totalement bouleversée à la toute fin.


Et ce qui achève cette compréhension de la technologie/vision du Retz et de l'Hégémonie, c'est quand le distran d'une planète est détruit, mais que son mégatran reste opérationnel. Alors comme ça les 2 technologies ne sont pas liées ? Pourtant tout dans le récit depuis le 1e tome semble dire que c'est le cas.


Rajouté à cela quelques bizarreries du genre : Lamia qui cristallise le Gritche (?), Silenius qui fait de la poésie pour apaiser les souffrances (?), le consul "condamné à vivre" pour n'avoir finalement trahi personne puisque tout le monde connaissait à l'avance ses réactions (?), Keats/Servern qui n'a plus besoin de la mégasphère pour rêver/voyager (?). Cela me semble un peu foutraque. Au final, ça a boudé mon plaisir, et j'ai souhaité conclure rapidement la lecture pour éviter de finir écoeuré.


En conclusion, je dirais que Dan Simmons a voulu en faire un peu trop sur ce volume. Cela ne retire en rien la superbe du 1e tome, Hypérion, qui est à mon sens un chef d'oeuvre SF. Mais le 2e tome, c'est un peu comme manger un plat délicieux que vous avez déjà goûté et qui malgré tout vous donne des gaz peu ragoûtants le soir ou le lendemain : c'est un peu moche, vous regrettez, alors que pourtant c'était bien parti.

Oatagaok
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le 2 janv. 2018

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Oatagaok

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