Les Cantos d'Hypérion font partis de cette catégorie d'oeuvre à la fois dense, complexe et extrêmement riches, tant dans leur forme que dans leur contenu, ambitieuse dans leur propos et dans la narration, profonde par les questionnements soulevés et les thèmes abordés. Il est difficile d’émettre une critique "à chaud" de ce genre de livre. Elles nécessitent du temps, du temps pour prendre du recul par rapport à l'histoire, du temps pour prolonger les réflexions abordées au sein de l'oeuvre. Car La Chute d'Hypérion dont il est question ici, deuxième tome des Cantos, a la lourde tâche de succéder à la réussite épique teintée de mélancolie qu'est Hypérion. Mais si Dan Simmons n'aura pas permis à la Chute d'Hypérion de sublimer l'héritage de son prédécesseur, il aura tout de même donné une conclusion magistrale à son diptyque (qui sera tout de même compléter plus tard par un autre diptyque, les Voyages d'Endymion, qui formeront la véritable conclusion du Cycle d'Hypérion). Mais tâchons de commencer par le commencement.


La Chute d'Hypérion est donc la suite directe d'Hypérion. L'histoire conte l'arrivée des pèlerins du Gritche dans la vallée des Tombeaux du Temps. Alors que les Tombeaux sont sur le points de s'ouvrir, chacun d'eux se verra confronter d'une manière ou d'une autre au monstre démoniaque. Mais de "nouveaux" personnages principaux font leur apparition : le cybride John Keats 2, nouvelle récupération de personnalité du poète et véritable personnage principal de l'oeuvre (il voit en rêve les événements vécus par les autres personnages et il est le seul dont les passages sont écrits à la première personne) ainsi que la présidente de l'Hégémonie Meina Gladstone, que l'on suit dans dans sa lutte contre les Extros.
Le récit abandonne donc la construction qu'il avait adopté lors du premier volet (dans lequel chaque pèlerin racontait son histoire, divisant le récit en 6 ou 7 parties plus ou moins indépendante) au profit d'une forme plus linéaire. Mais paradoxalement, ce que l'on gagne en linéarité, on le perd en clarté. Le trop plein de personnage fragmente le récit et casse le rythme de la même manière que dans un épisode de Game of Thrones : on prend parfois beaucoup de temps pour pas grand chose, et certains personnages principaux sont beaucoup moins présents que dans le premier volet.
L’adoption d'une structure narrative linéaire rend aussi le récit moins personnel : la psychologie des personnages, travaillée d'une main de maître dans le premier volume est beaucoup moins présente dans celui-ci : hormis John Keats 2, aucun des nouveaux arrivant ne se montre aussi complexe dans sa personnalité et dans ses rapports aux autres que les pèlerins décrits dans le premier volume. C'est compréhensible au vue de l'orientation prise par le récit, mais dommage.
Enfin, dans Hypérion, chaque histoire adoptait un genre et un thème différent (polar cyberpunk, journal d'archéologue, etc...). Ici, le récit se tourne résolument vers le genre du space opera, et Simmons montre à nouveau à quel point il maîtrise les différents genres littéraires : les batailles spatiales et les conseils de guerres menés par Gladstone sont décrits avec justesse, les différents complots rondement menés, le tout toujours saupoudré des magnifiques vers de John Keats.


Mais toute l'essence de l'histoire de la Chute d'Hypérion ne réside pas dans la manière dont celle-ci est raconté (bien qu'elle le soit tout de même avec brio), mais dans son contenu. Certaines des réflexions abordées au cours du premier volume seront ici de nouveau abordées et d'autres problématiques seront soulevées, chaque personnage soulevant un problème faisant écho à des questions d'ordre philosophiques ou religieuses (le déterminisme de Spinoza, la morale de Kant, le dilemme d'Abraham, qu'est que Dieu et quel est son rapport à l'homme, etc...) ou propre à la science fiction (entre autre, le rôle que doit jouer l'intelligence artificielle dans une société humaine qui occupe une bonne partie du livre).
Enfin, quasiment chacune des questions soulevée par l'intrigue trouve une réponse. Avec maestria, Simmons pose pierre par pierre la structure de son oeuvre. Chaque ligne, chaque vers est une pièce à ajouter au brillant puzzle qui se forme petit à petit au fil de la lecture.


Au final, la Chute d'Hypérion est une conclusion parfaite à cette première partie du Cycle d'Hypérion. Dan Simmons aura su créer un univers de science fiction cohérent, flirtant parfois avec le fantastique et bénéficiant de cette petite touche de folie qui fait qu'on adhère. Avec une très belle prose, l'auteur nous fait voyager à travers l'espace et le temps en compagnie de personnages attachants tous plus profond les uns que les autres, ayant connu chacun à leur manière les pires des souffrances. Un brin moins original que son prédécesseur, la Chute d'Hypérion s'avère tout de même être une conclusion grandiose à ce qui est l'un des plus grands cycle de science fiction.

Nicolas_Caussade
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le 9 sept. 2015

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