La Compagnie noire
7.7
La Compagnie noire

livre de Glen Cook (1984)

Je précise immédiatement que j'ai lu cette œuvre par la traduction de Patrick Couton et Alain Robert. cela peut influencer ma critique du style littéraire.


J'avoue ne pas être naturellement aller vers Glen Cook. Il a fallu qu'on me le conseille pour que je me plonge dans cette lecture.
On m'en parlé comme une œuvre assez originale, mais pas évidente d'accès, évoquant le cap des fameuses 150 premières pages. Personnellement je n'en ai pas beaucoup souffert, et suis rentré dans l'univers sans difficulté.


Alors La Compagnie noire était-elle une œuvre vraiment originale ?


Le scénario


Le scénario est de première abord assez original : cela traite d'une compagnie de mercenaires enrôlée par un tyran dans le cadre d'une guerre civile pour mater la révolution. C'est assez prometteur au niveau des questionnements éthiques des personnages, du bien fondé des révolutions etc.
L'ensemble du scénario est assez bien ficelé quoiqu'assez classique.


Cependant, il souffre de quelques faiblesses. Ce sont des détails, aussi est-il possible de les ignorer en faisant volontairement gagner la suspension de crédulité, mais je trouve que cela nuit à la cohésion de l’œuvre et de l'univers. Je citerai en exemple de faiblesse


le fait que le nul de Chérie n'a été perçu par aucun Asservi malgré le temps que Volesprit a passé dans la Compagnie.


Enfin le scénario souffre d'une réelle prévisibilité. A titre d'exemple, pour ceux qui ont lu l’œuvre


le coup de théâtre de Chérie qui est la Rose Blanche n'en était pas un. De même, je n'ai cru à aucune des deux morts de Corbeau (et je ne parlerai pas de Choucas).


Cependant, à mes yeux, le plus dommageable à la qualité de l’œuvre est son manichéisme involontaire, mais pour l'expliquer il nous faut analyser les personnages.


Les personnages


Tout le monde nous dit que la Dame est méchante. Certes. Mais personne ne le constate. Je n'ai pas relevé le nombre de fois où Toubib nous dit que la Dame est peut être aussi mauvaise que le Dominateur en personne, sauf qu'on ne voit jamais la tyrannie de la Dame dans les faits


(sauf pour le pillage des tombes de Génépi, menant à la destruction de la ville).


En outre, nous ne savons rien des motivations qui poussent la Dame à être telle qu'elle est. Pour prendre une comparaison, Galbatorix, dans Eragon, me paraît beaucoup être un méchant bien plus crédible : dans le tome 2, le maître du jeune dragonnier pousse le héros aux raisons fondamentales qui le poussent à lutter contre ce tyran même si la révolution fait bien plus de dégâts que la tyrannie, et l'on apprend dans le tome 4 les motivations profondes du méchant.


Personnellement je n'ai pas haï la Dame, je l'ai pas détestée, je n'ai pas eu de sentiments négatifs à son égard. A cela s'ajoute l'existence du Dominateur, qui passe pour le mal absolu, relativisant la méchanceté supposée de la Dame, créant ainsi à terme deux camps : le mal (le Dominateur) et le bien (la Dame qui n'est méchante que malgré elle mais dont les actes montrent l'inverse, et la Rose Blanche), camp du bien divisé pour des raisons que nous ignorons (puisque l'on ne sait rien de la politique de la Dame et donc des raisons d'une révolution).


Les autres personnages sont intéressants, et assez attachants. Ils souffrent peut être un peu de certaines redites qui forcent la mise en relief de leur caractère (Toubib qui râle chaque fois qu'on le réveille par exemple), mais cela reste anecdotique. Mention spéciale pour le personnage de Chérie et de sa relation avec Corbeaux qui est très intéressante et approfondie.


La langue


Le style littéraire est intéressant et s'harmonise parfaitement avec la structure narrative. Nous sommes vraiment dans des Annales tenues par un médecin. Un style épuré, disséquant l'Histoire et les grandes batailles comme l'auteur dissèquerait un corps.


L'auteur a même l'humour de faire un retour stylistique critique sur ce qu'écrit Toubib à travers Corbeau qui reproche à l'auteur de trop parler de lui.


Enfin on trouve des fulgurances littéraires qui apportent un véritable relief au style de l’œuvre : l'auteur sait écrire, mais écrit de manière volontairement épurée, surprenant son lecteur à certains moment par une envolée un peu lyrique, souvent propice à l'énonciation d'une vérité gnomique.



D'une certaine façon, le château noir était plus qu'une brèche possible par laquelle le plus grand et le plus vieux mal du monde pouvait ressurgir. Il concrétisait des concepts métaphoriques, c'était un symbole tangible. Il agissait à la manière d'une grandiose cathédrale. Et, tout comme une cathédrale, il représentait bien plus qu'un simple édifice
Tome 2 : Le Château noir



La subjectivité du point de vue est totalement assumée, malgré un ou deux détails sur lesquels je n'épiloguerait pas.
La seule remarque que je ferai à ce propos sera au sujet de répétitions et rappels faits au lecteurs. Rappels de l'histoire, surtout d'un livre à l'autre, rappels des traits caractéristiques de personnages etc. Cette redondance alourdit un peu l'histoire mais on peut en faire abstraction.


Conclusion


En conclusion je dirai que l'œuvre n'est pas fondamentalement mauvaise. Il y a des tentatives littéraires, il y a une volonté d'écriture qui le mettent au-dessus de mauvais livres.


Cependant je trouve qu'il ne va pas assez loin dans sa démarche originale.
En outre, il y a bien trop de facilités scénaristiques, bien trop de problèmes annexes, et surtout il y a le mauvais traitement de la Dame, personnage central, qui font que je ne peux pas mettre une note au-dessus de la moyenne à cette œuvre.


Je ne recommande donc pas la Les Annales de la Compagnie Noire, mais je reste ouvert à d'autres propositions de lecture de cet auteur qui me semble avoir du potentiel.

BaronSamedi-SDCE
4

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le 10 juin 2020

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