John Lang se trompe de media

Quand j'ai découvert le donjon de Naheulbeuk en saga mp3, j'avais 15 ans et j'avais été immédiatement séduit par cet humour idiot ultra référencé.
Quand j'ai lu le livre, j'en avais près du double. Et rien n'avait changé, à part peut-être mon humour.
Le principal soucis du donjon de Naheulbeuk en mp3 c'est que la saga ne renouvelle jamais son humour, proposant encore et toujours les mêmes ressorts comiques déjà essorés jusqu'aux limites. Un peu comme une mauvaise sitcom en fait.

Et j'ai exactement retrouvé ça dans le livre, cette espèce de mauvaise sitcom recyclant encore et toujours des blagues et situations déjà vues et revues (enfin plutôt entendues et réentendues). Le tout en étirant au delà du supportable des scènes qui auraient pris 2 minutes en sonore et qui ici se répandent sur des dizaines de pages (le passage de niveau, le shopping) noyant ainsi les quelques sourires du début dans une marée de soupirs d'ennui.
De tout le livre, une scène fonctionne vraiment dans sa loufoquerie et le bordel ambiant qu'elle cherche à instaurer, c'est toute l'aventure sur le bateau. Le reste se compose d'une mise en route de près de 100 pages où rien ne se passe, de scènes trop longues et d'une résolution qui n'en est même pas vraiment une et ne sert finalement qu'à renvoyer les lecteurs au prochain livre... Comme dans une mauvaise sitcom au final, encore une fois. Les bulletins cérébraux sont aussi assez souvent drôles, mais cela se fait souvent au détriment du rythme dans un histoire qui en manque déjà cruellement.

Côté écriture, c'est plutôt une bonne surprise. John Lang sait écrire de façon simple sans être simpliste et si les dialogues sont généralement son point faible, cela reste d'un bon niveau. Ce qui permet de ne pas refermer le livre trop vite.
Par contre il fait bien plus que s'inspirer du style de Terry Pratchett, y compris dans l'utilisation souvent abusive des renvois en bas de page.
Mais là où résidait tout le talent du regretté Pratchett c'est que ce style loufoque était mis au service d'histoires intelligentes et bien plus profondes que ce qu'elles laissent à penser au début et surtout peuplés de bons personnages.

Ce qui amène au point le plus noir du livre : il n'y a pas de personnages. Du tout. Il y a bien quelques archétypes affreusement clichés qui y déambulent, mais aucun personnage défini, posé et capable d'évolution en cours de récit.
Car John Lang n'aime pas ses personnages. Il n'a besoin d'eux qu'en tant que fonctions. Ce sont des outils, des outils plutôt frustres d'ailleurs. Et j'ai été assez choqué de constater cela, après tant d'années à évoluer dans cet univers, John Lang n'aime pas ses personnages. Ce qui pose des questions sur les véritables motivations derrière ces livres.

Les fans de la saga mp3 et de tous les produits Naheulbeuk seront ravis, d'autant que le livre est jonché d'éléments de fan service qui laisseront à l'écart tout lecteur n'ayant pas suivi assidument tout le contenu proposé (ce qui fut également un obstacle pour moi qui ne connait reellement que la 1ere saison, 2-3 chansons et autant de pubs). D'autant que c'est tout à fait lisible.
Ceux qui cherchent un livre drôle dans un univers fantasy iront se ruer sur n'importe quel tome des annales du Disque Monde, tant cet saga est en tout point supérieur (même dans ses tomes les plus mineurs) au livre de John Lang qui tente juste d'en faire un ersatz sans grande âme.