"Il n’est nulle douleur plus grande que de se ressouvenir dans la misère des temps heureux" !


Au milieu du chemin de notre vie, ayant quitté le chemin droit, je me
trouvai dans une forêt obscure. Ah ! qu’il serait dur de dire combien
cette forêt était sauvage, épaisse et âpre, la pensée seule en
renouvelle la peur, elle était si amère, que guère plus ne l’est la
mort ; mais pour parler du bien que j’y trouvai, je dirai les autres
choses qui m’y apparurent.



Ainsi commence le poème...


Je ne vais pas m'étendre sur l'importance inestimable que cette oeuvre et bien évidemment son auteur ont eu pour la construction et la diffusion de la langue italienne (la langue de Dante pour désigner l'italien, que vouloir de plus ?). Je ne vais pas parler non plus de guelfes, qu'ils soient blancs ou noirs, ou de gibelins. Une page wikipédia et bien des articles rédigés par des universitaires le font un milliard de fois mieux que moi.


Donc que dire de La Divine Comédie de Dante Alighieri, que retient-on aujourd'hui, ou plutôt par rapport à aujourd'hui de cette oeuvre mythique ?


Je précise dans un premier temps que j'ai lu la traduction de Felicité-Robert de Lamennais, qui n'est pas forcément la plus évidente à lire, avec les illustrations exceptionnelles du génial Gustave Doré ; ces dernières m'ont beaucoup aidé à créer un univers visuel à cette oeuvre et, parfois même, ont mis en évidence des détails que je n'aurais pas forcément remarqués.


Si on exclut les auteurs latins, dont le guide Virgile, les héros mythologiques, les personnages de la Bible, et, par la force des choses, quelques figures historiques comme les rois et les papes, sans Dante, la plupart des noms que l'on peut lire ici seraient, au mieux une note en bas de page (d'ailleurs je remercie aux passages les près de 1000 notes de bas de page de mon édition qui m'ont fait comprendre beaucoup de choses fort obscures pour moi !) dans des thèses écrites par des étudiants en histoire florentins, au pire, et le plus souvent, juste un tas d'os dans un caveau meurtri par le temps, les intempéries et l'oubli.


Mais en dehors de tout cela, et sans tourner autour du pot, quel est l'intérêt de lire La Divine Comédie de Dante Alighieri aujourd'hui ?



L’Empereur du royaume douloureux, depuis le milieu de la poitrine
sortait de la glace : et plus de proportion ai-je avec un géant, que
n’en ont les géants avec ses bras : vois donc ce que doit être le
tout, pour correspondre à cette partie.



S’il fut aussi beau qu’il est maintenant hideux, après avoir élevé ses
sourcils contre son Créateur, bien doit de lui procéder tout deuil.



En fait, cette oeuvre pousse à se poser la question "et après ?". Et l'imagerie que la vision de cet "après", que nous apporte Dante, est fascinante tout le temps, terrifiante voire glaçante quelquefois (car l'auteur a beaucoup d'imagination quand il s'agit de créer des supplices vraiment cruels pour des pêcheurs irrécupérables !).


On a le droit de ne pas adhérer à cent pour cent à la vision que Dante a de l'autre monde, mais il y a aussi le fond, l'humanisme, même lors des instants les plus cruels. Et de cet ensemble d'humanisme et de cruauté se dégage une spiritualité universelle et intemporelle. La vraie spiritualité ne se transmet pas par la haine mais par l'amour, pas parmi les ors des palais, l’ostentation et les ornements luxueux mais avec de simples sandales et une étoffe simple et solide.


Oui, cela paraît évident quand c'est dit comme cela, mais en fait non, l'humain est con, on a beau lui répéter un milliard de fois la même chose, lui la montrer un milliard de fois, lui faire sans cesse comprendre qu'il n'est pas immortel, ça ne veut pas, donc ne cherchez pas plus loin où résident aussi l'intemporalité de l'oeuvre et son universalité, en dehors, bien sûr, du questionnement "et après ?".


Toutes les époques ont leur part de violence aveugle, de fanatisme furieux, celle de Dante, celle d'aujourd'hui...


Et si l'imagerie lumineuse des ciels du Paradis, troisième cantique, m'a moins captivé que celle des cercles de l'Enfer, premier cantique, et que celle des corniches du Purgatoire, deuxième cantique, car plus diffus, plus hermétique, moins évocateur (excepté les derniers cantos !), La Divine Comédie, par sa forme et par son fond, est, en plus d'être une oeuvre d'une valeur inestimable sur les plans littéraires, historiques, étymologiques, etc..., est un poème profondément marquant.

Plume231
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le 21 juil. 2018

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